5. UN OUTIL APPLICABLE A LA GESTION DE L’EAU : LE MNT

Pour synthétiser nos suggestions et fournir un cadre de base à une bonne gestion de l’eau à Bangui, nous travaillons à un MNT (modèle numérique de terrain) pour nous aider à mettre en relief des secteurs vulnérables à l’eau (Figures 123). Car le MNT est fondamental à une rationalisation de l’occupation du sol dans ce contexte, et à une desserte de l’eau potable accessible à tous, puisque certains secteurs pentus du site urbain et de sa région ne semblent pas bien alimentés du fait de la faiblesse relative de la pression dans le réseau.

Le MNT nous aidera à disposer d’une représentation des altitudes relatives et absolues à partir des données topographiques. DEPRAETERE et MONIOD (1991) le définissent comme la représentation numérique de la surface topographique sous la forme d’une grille au maillage régulier où l’altitude est donnée en chaque nœud ou en chaque centre d’une maille élémentaire. Il peut aussi s'établir par interpolation en fonction des courbes de niveau et des cotes d'altitude numérisées à partir de carte (DEPRAETERE, 1990) ; c'est cette méthode que nous avons utilisée pour produire le MNT. Celui-ci, une fois constitué, nous autorise une analyse aisée et synoptique du relief de l'espace banguissois ainsi que de toute sa région. Car il commanderait la modélisation hydrologique dans sa diversité (cycle de l'eau, érosion des sols, évacuation des eaux pluviales et des polluants,…) pour un développement local voire régional, en raison des opportunités offertes par les pentes et les directions des flux potentiels dans cette perspective de gestion de l'eau. En effet, quand la pente est faible, l'espace est soumis à une concentration des eaux (de ruissellement), et quand la pente est forte, c'est l'érosion… avec une fourniture sédimentaire vers les bas-fonds ou secteurs à faible pente qui se constate. Dans cet esprit, les éléments du cycle urbain de l'eau que nous avons examinés dans ce travail, notamment dans les précédents paragraphes, peuvent se caler ou s'emboîter dans la série de solutions que nous fournisse le MNT. Par exemple les concentrations et la propagation des pollutions sont en relation avec la faiblesse ou l'accentuation de la pente, couplée avec l'occupation du sol et avec les activités humaines en zones urbanisées.

Nous réalisons le MNT à l’aide du logiciel ARCVIEW 3.2 à partir des données cartographiques, constituées par des courbes de niveau et des points cotés sur les cartes au 1 : 50000e de Bangui et sa région (IGN, 1988) ; l’équidistance est de 20 m.

Ce MNT nous a permis de mettre en évidence une dépression de type radial, voire semi-concentrique à concentrique (Figures 123). Cette dépression se trouve au NNE de la feuille topographique analysée et s’ouvre en direction du fleuve Oubangui par les cours d’eau Yadji, Ouoro, Ngadoula et Ngoungandja qui la drainent et qui déversent leurs eaux dans le fleuve. Ainsi, nous appelons cette dépression la Dépression de la Yadji-Ouoro-Ngadoula-Ngoungandja. Par la suite, nous avons calculé les superficies de chacun des bassins-versants de ces cours d’eau : la Yadji constitue le plus grand bassin avec son réseau qui fait 187 km2 ; vient l’Ouoro qui a un réseau environ deux fois moins important que celui de la Yadji avec 105 km2 ; la Ngadoula et la Ngoungandja possèdent des bassins-versants relativement petits de cette dépression dont les superficies respectives sont de 42 km2 et 16,7 km2. Le cumul de ces données nous donne, pour cette dépression, une superficie totale de 357 km2.

Cette dépression, dont l’origine est encore mal connue, est délimitée à l’est par l’Oubangui, à l’ouest et au sud-ouest par le bassin-versant de la Yangana (comprenant principalement la Guérengou, la Ngoukomba et la Gbango en rive gauche, et la Bo en rive droite), au sud par le bassin-versant de la Likéma (57,74 km2). Au nord, la Dépression de la Yadji-Ouoro-Ngadoula-Ngoungandja s’arrête aux confins du bassin-versant de la Makassa, rivière qui se jette dans l’Oubangui vers le NE. Enfin au NO, le bassin de la Gbango, cours d’eau qui grossit la Yangana, la délimite. L’interfluve qui sépare le bassin-versant de la Yangana et cette dépression (…) présente des altitudes qui varient entre 500 et 625 m ; ce point le plus élevé (625 m) est fixé sur un filon de quartzites à l’ouest, où sourd un affluent de la Vouvourou, elle-même se jetant dans la Yadji.

Figure 123a)– Le modèle numérique de terrain (mnt) de Bangui et de sa région ;
Figure 123a)– Le modèle numérique de terrain (mnt) de Bangui et de sa région ;
Figure 123b) L’organisation des pentes à Bangui et dans sa région
Figure 123b) L’organisation des pentes à Bangui et dans sa région

La Yangana et ses affluents la Ngoukomba et la Guérengou ont contribué à disloquer, voire à entailler le Plateau témoignant de l’extension passée de la Surface centrafricaine des 600 m et plus dont les morceaux (reliques) subsistent d’ouest en est :

Figure 123 c) Le réseau hydrographique de Bangui et de sa région.
Figure 123 c) Le réseau hydrographique de Bangui et de sa région.

Nous retenons dans cette étude que la maîtrise de l’usage du sol est le point focal d’une gestion saine des eaux en milieu urbain, pour prévoir et prévenir des risques potentiels dommageables. L’habitat, qui y est aussi intégré, est un élément composite induisant des infrastructures urbaines et impliquant une rationalisation de l’organisation de l’espace urbain dont peut profiter le drainage de l’eau. En effet, nous nous rendons compte que l’évacuation des eaux, la protection des ressources en eau (eaux superficielles et nappes souterraines) en milieu urbain tendent à améliorer le cadre de vie dans lequel l’habitat apparaît comme un baromètre, avec tout ce qu’il nécessite comme commodité. Toutefois, une gestion saine des eaux reposerait à l’heure actuelle sur une loi sur l’eau qui définirait les acteurs de ce secteur avec leurs responsabilités, dans un cadre beaucoup plus général auquel s’agrégerait la ville de Bangui. Ce système législatif et réglementaire manque au Centrafrique et à la ville de Bangui qui connaît donc d’énormes difficultés en terme de gestion des eaux. Néanmoins, nous pensons qu’une partie des solutions aux problèmes de la ville de Bangui serait le drainage efficace des zones marécageuses et/ou le remblai avant construction. Il faudrait ainsi un réseau soutenu de caniveaux et drains pour évacuer les eaux pluviales et protéger les nappes phréatiques par la construction des fosses sceptiques ou d’aisance qui garantissent l’étanchéité entre les eaux usées et les nappes phréatiques. Car nous estimons que la prolifération des moustiques à l’origine du paludisme est la conséquence de la multiplication des latrines, lesquelles leur servent de milieu de vie, de biotope.

Ce chapitre a également exposé et analysé les voies et moyens limités, voire aléatoires qui ont été utilisés dans l’espace et dans le temps en matière de gestion de l’eau, aussi bien dans les zones déprimées marécageuses que le long des cours d’eau à Bangui. Il a traité des crues et inondations et de l’eau potable, qui sont des variables de la gestion intégrée des eaux en milieu urbain. Nous avons étudié ces ressources et risques liés à l’eau en relation avec l’eau pluviale dont l’intensité ou le volume détermine le type de problème à résoudre. L’évolution de l’AEP et de l’assainissement qui en ressort nous a montré la somme des faiblesses en matière de gestion des eaux auxquels les pouvoirs publics n’ont guère apporté de solutions en raison d’une absence de politique volontariste. Ces difficultés transparaissent dans l’insuffisance des aménagements, dans la non réglementation de l’usage du sol urbain et dans la pression foncière sur ces zones non-bâties, avec des problèmes récurrents de gestion de l’eau connus jadis à Bangui. Ainsi, le processus d’urbanisation véritable pourra être un catalyseur à une gestion intégrée des ressources en eau au vu de ce qu’il implique pour une « ville » comme Bangui.