3. Les interrelations entre le mouvement de l’eau, l’occupation du sol et l’espace urbain

L’espace urbain présente des spécificités quant à la circulation de l’eau. Nous constatons ces transformations par l’extension des réseaux d’écoulement, en y incluant les réseaux anthropiques qui peuvent s’adapter ou non au nouveau contexte hydrologique en raison des types de transferts. Ces mouvements de l’eau pluviale montrent que l’habitat, développé sur les marges de liberté des lits fluviaux et des marécages, ne rend pas aisé le transfert de l’eau ; il rétroagit généralement par le phénomène d’inondation. Ainsi, les eaux et les sédiments acheminés se concentrent dans la zone basse, marécageuse, où l’évacuation se fait mal. L’examen des profils en long nous enseigne que les cours d’eau urbains ont des pentes plus élevées sur les collines et sur le piémont que dans la plaine (Fig. 78 a et b) ; ceci justifie la rapidité des crues et décrues, avec leur caractère soudain et brutal. En amont des bassins, les chenaux « naturels » sont denses, ce qui n’est pas le cas en aval. De plus, le ruissellement, quand il est concentré sur ces pentes fortes, emporte des sédiments qui se déposent dans les principaux cours d’eau collecteurs à la baisse de la compétence de leur énergie ; il concourt indirectement au risque d’inondation. Egalement, les riverains se servent de ces rares exutoires comme dépotoirs des déchets ménagers, qui contribuent à obstruer les chenaux.

En effet, les profils transversaux des rivières urbaines sont adaptés aux écoulements en contexte naturel où le ruissellement de surface ne trouve pas les mêmes conditions qu’actuellement, avec d’importants volumes et des pics de crue. Cette artificialisation du système d’écoulement exagère la mauvaise circulation de l’eau, en l’absence d’aménagements adéquats. Néanmoins, cette étude nous pose la question de l’imbrication des zones humides (rivières et marais) dans les transferts (concentration des eaux de ruissellement et déversement dans les cours d’eau). Les contraintes hydrologiques connues dans les bas-fonds ou le long des cours d’eau sont en relation avec les formes d’occupation du sol et avec le réseau de drainage inadapté. Cette combinaison des marais et des rivières implique les eaux souterraines qui les alimentent. Ces effets des eaux pluviales et de l’occupation du sol se montrent par la pollution de la nappe phréatique superficielle par infiltration et exfiltration des eaux usées dont certaines proviennent de la surface du sol. En effet, la déficience des conditions d’hygiène à l’échelle de la ville, qui se note par les excréments des animaux et mêmes des humains dans certains secteurs ou aux abords des zones habitées, le rejet des eaux des toilettes sur les voies ou dans des fosses à ciel ouvert,… offre des polluants variés aux eaux de ruissellement qui ne polluent pas seulement les eaux superficielles mais aussi la nappe phréatique (superficielle et profonde). Par exemple, l’infiltration des eaux usées de l’ex-usine UCATEX a pollué la nappe phréatique superficielle des quartiers nord de Bangui, et à cause de l’inclinaison nord-sud du bassin hydrogéologique de ce secteur, la pollution affecte cette nappe en direction de l’Oubangui au sud. La pollution de la nappe phréatique par les polluants d’origine humaine persiste encore aujourd’hui dix ans après l’arrêt du fonctionnement de l’usine. Ainsi, l’urbanisation induit diverses formes de pollution de la nappe phréatique de Bangui, lesquelles se réactualisent par la recharge due par l’infiltration des eaux. Néanmoins, l’hypothèse d’infiltration des eaux pluviales nous permet de relativiser « l’imperméabilisation du sol urbain », qui accroîtrait plus le ruissellement, dans le cas de Bangui. Car les polluants de surface d’origine humaine, atteignant la nappe profonde d’après les analyses récentes menées par la JICA, suggéreraient une infiltration probable des eaux pluviales jusqu’à la nappe du socle.