Comment le peuple se représentait-il le pouvoir ? Comment se voyait-il lui-même ? Autant de questions qui, généralement, restent sans réponse car une troisième les suit immédiatement et les disqualifie d’emblée : quelles sont les sources qui permettent de retrouver ce double regard ? La réponse est sous-entendue : aucune ou presque. Accrochons-nous à ce presque et essayons d’amasser quelques indices. Une entrée intéressante nous est offerte par les suppliques, ces lettres envoyées aux autorités par les populations dans l’espoir que celles-ci soulagent leurs malheurs 295 . Cette entrée induit un biais dont il faut bien s’accommoder : ce ne sont pas des élites dont il est question, mais des seuls représentants du pouvoir. Au moins tenons-nous un ensemble de documents spontanés – ce qui est plutôt rare – puisque la parole populaire n’a nullement été sollicitée par le pouvoir. Les 283 suppliques qui composent notre échantillon couvrent toute la période, depuis 1800 jusqu’au début des années 1880 ; leur répartition temporelle homogène témoigne d’une habitude qui ne se démentit pas. L’intérêt de leur étude se divise en quatre temps : qui écrit, à qui, pour quelles raisons et comment ?
Cf. présentation de la base de données, annexe n°1/viii.