L’historien qui part à la recherche de ce peuple du XIXe siècle et tente d’en saisir le mode de pensée se heurte aux mêmes difficultés que les anthropologues ou les préhistoriens – desquels il a beaucoup à apprendre. Les seconds s’interrogent sur les représentations pariétales : que sommes-nous capables de distinguer dans une série de bisons peints ou gravés ? Tout au plus pouvons-nous établir un jeu réduit de différences. A la façon de certains peuples d’aujourd’hui, les hommes préhistoriques ‘«’ ‘ […] ne concevaient vraisemblablement pas une entité […] qui serait qualifiée ensuite par le sexe, l’âge, la posture ou tout autre critère : chaque animal particulier aux divers moments de son existence constituait une réalité différente ou tous ces éléments entraient en jeu’ 328 ». Les réactions contrastées du peuple, ses émotions diverses et quelquefois contradictoires, résideraient dans sa capacité à adopter une pensée multiple. Celle-ci est difficile à expliquer puisque nous sommes incapables de la maîtriser et que nous la méprisons (nous fonctionnons sur une pensée binaire). Une bonne approche nous est cependant fournie par les exemples de la rumeur et du canard.
Jean CLOTTES, Voyage en préhistoire. L’art des cavernes et des abris, de la découverte à l’interprétation, Paris, La maison des roches, 1998 , p. 36.