S’il existait différentes écoles de pensée, différents courants parmi les philosophes, les économistes ou les médecins, tous – vouant un culte à l’idéologie du progrès – partaient de l’idée qu’il fallait changer le peuple et le modeler. Ce fut du moins ainsi que les élites en firent la lecture.
L’adoption d’une pensée binaire se conjuguait avec l’achèvement du processus de civilisation par les élites du XIXe siècle. Au fil des siècles, une politesse, une façon d’être et de se contenir avaient été perfectionnées jusqu’à suivre des règles extrêmement codifiées et complexes. La politesse classique retrouva même une grande importance, après la Révolution, dans un élan de réaction et de conservation. Contre le « tu » citoyen symbole d’égalité et de fraternité, l’emploi du « vous » fut un moyen de revenir aux principes d’une société hiérarchisée 371 . Revers de la médaille : les élites n’avaient pas ‘«’ ‘ […] élimin[é] tous les sentiments d’embarras et de supériorité, tous les jugements de valeurs, toutes les censures qu’indiqu[ai]ent dans [leur] esprit les notions de civilisation et de non-civilisation’ ‘ 372 ’ ‘ ’». Il en résulta une double conséquence : le sentiment de supériorité et la volonté éducatrice.
Peter BURKE, « Les langages de la politesse », Terrain, n° 33, septembre 1999, p. 115.
Norbert ELIAS, La civilisation…, op. cit., p. 86. Nous n’insistons pas outre mesure sur le processus de civilisation, concept largement utilisé et intégré par les historiens.