Dans le cas du garni déjà évoqué plus haut, la technique du quadrillage rendit indispensable, d’une part, l’usage de l’écrit – la double tenue de registres par les logeurs et les commissaires, la vérification des passeports – et, d’autre part, une bonne intelligence entre forces de l’ordre et logeurs. Ceux-ci devaient tenir leurs registres avec minutie. En effet, ‘«’ ‘ [...] parmi les moyens dont la police dispose pour découvrir les malfaiteurs de toute nature qui se cachent plus facilement dans une grande ville que partout ailleurs, l’obligation imposée aux hôteliers, aubergistes et logeurs, d’inscrire régulièrement le nom de toutes personnes qu’ils reçoivent est sans contredit l’un des plus efficace’ 499 ». La minutie demandée, gage de bon fonctionnement de la surveillance, était consignée dans toutes les ordonnances de police, comme le montre l’exemple suivant :
‘« Art. 2 : Tout logeur de profession […] est tenu, dès l’instant de l’arrivée des personnes qui prendront domicile chez lui, d’exiger l’exhibition de leur passe-port ou du titre équivalent, et d’inscrire de suite, sans aucun blanc, sur un registre tenu à cet effet, la date de l’entrée, les noms, prénoms, âge et profession, le lieu du domicile actuel, ainsi que celui d’où viennent les personnes ; et, lorsqu’elles partiront, de mentionner exactement la date du départ et le lieu de destination.Les commissaires étaient également astreints à cette pratique de l’écrit puisqu’ils détenaient dans leur bureau un premier registre où étaient portés journellement les mouvements des voyageurs par garni et un second comportant la totalité des logements de leur arrondissement devant être mis à jour régulièrement. De plus, il leur fallait faire parvenir à la préfecture un récapitulatif mensuel – ‘«’ ‘ qu’il [aurait été] facile d’établir’ 501 » … si toutes les étapes du quadrillage avaient été respectées.
De manière générale, les bureaux de police qui centralisaient les données ne pouvaient fonctionner avec un seul type de registre. Plusieurs étaient utilisés concurremment dans l’optique d’un gain de temps. Il existait ainsi des registres purement thématiques qui ne traitaient que d’un sujet en particulier – un pour les filles publiques, un pour les portefaix, un autre pour les arrestations, etc. Ils étaient relayés par des répertoires qui les résumaient ou, au contraire, les analysaient en profondeur ; certains étaient purement numériques ou alphabétiques. L’intérêt théorique d’une multiplication des écrits résidait dans la possibilité de recoupement que cela supposait. Pour trouver une affaire au sujet d’Untel, un répertoire alphabétique renvoyait à un numéro ou une date, facilitant les recherches dans le registre principal. La capacité de renforcement de la surveillance était importante, certains registres se répondant. Celui des étrangers devait correspondre à celui des logeurs ; un double contrôle était ainsi appliqué.
Toutefois, l’écriture n’était rien si la transmission des informations n’était pas assurée. Chaque pulsation du corps urbain devait être consignée selon des codes bien établis, à condition que n’importe quel fait put remonter la hiérarchie depuis le policier qui verbalisait jusqu’au ministre.
Cela concerne les années 1820-1850 pour lesquelles nous avons notamment retrouvé des registres fonctionnant sur une base commune.
AML, 3 WP 122, Lettre du préfet du Rhône au maire de La Croix Rousse, 13/05/1841.
AML, I1 167, Ordonnance de police municipale, 17/06/1831. D’autres ordonnances, édictées en des années différentes mais identiques quant à leur contenu auraient, pu être citées ; la plus ancienne en notre possession date de 1789 et comprend déjà l’ensemble des bases du quadrillage de la ville hospitalière.
AML, 3 WP 124, Lettre du préfet du Rhône au maire de La Croix Rousse, 06/10/1823.