4- Le quadrillage par la fête

Après le contrôle des individus, de leurs déplacements et de leurs actions, il nous semblait effectivement intéressant de pointer celui des esprits qui, tout en relevant d’une semblable logique, revêtait des aspects tout à fait différents. Le rôle du pouvoir y apparaissait moins imposant et inquisiteur, ou, plutôt, ce rôle était masqué par un aspect festif. Un autre rapport s’instaurait entre ce pouvoir et la population, mêlant contrainte et séduction. La fête, que les autorités organisaient pour se célébrer et faire plaisir au peuple, tissait un unique lien affectif et tentait d’attacher les citadins au régime en place. Pour saisir les enjeux d’une telle éducation politique et sentimentale, il faut lister les types des réjouissances officielles organisées, en évaluer le contenu, relever des similitudes et des divergences d’un régime à l’autre. On comprend alors comment le projet du quadrillage fut guidé par les représentations des élites ; en effet, la fête fut avant tout la traduction des discours développés à l’occasion des proclamations 510 .

De nombreux écrits, depuis les années 1970, se sont attachés à rendre compte du phénomène des fêtes à l’époque contemporaine, et peut-être donnons-nous l’impression de labourer un champ déjà maintes fois cultivé. Mais cette historiographie s’est le plus souvent centrée sur la capitale et a occulté le rôle du voyage officiel en province. De plus, l’originalité de la démarche – si on veut nous le concéder – est de replacer la fête officielle au cœur d’une technique globale de pouvoir : il ne s’agit pas de réaliser une histoire de la fête à Lyon au XIXe siècle mais de comprendre la mise en scène du pouvoir. Pour ce faire, nous avons consulté systématiquement l’ensemble des archives s’y rapportant, en privilégiant les projets, les programmes et les relations imprimées.

Notes
510.

Cf. première partie.