Les courroies de transmission

Pour qu’une police fonctionnât correctement, elle ne pouvait se contenter d’hommes qui délivraient les ordres et d’hommes qui les exécutaient. Il en fallait beaucoup d’autres encore pour que les ordres soient transmis du haut vers le bas de la hiérarchie policière et que les résultats obtenus empruntent le chemin inverse. Les employés de bureau et certains agents remplissaient ces fonctions.

La mairie et la préfecture étaient morcelées en plusieurs bureaux correspondant à autant de divisions de police. Faire la liaison entre les responsables de la police et les exécutants nécessitait un personnel pléthorique. La police employait donc toute une armée de gens de bureau, qu’on a trop souvent tendance à oublier. Il n’est pas question d’en dresser les listes exhaustives, et il semble suffisant de pointer un exemple. Prenons celui de la mairie qui présente l’avantage d’être bien moins connu que celui de la préfecture. La division de la police municipale comprenait en 1811 trois bureaux : police, passeports et logements militaires 673 . Le premier se compose d’un chef de division, d’un sous-chef et de deux expéditionnaires. Là, les différentes informations étaient centralisées, collationnées dans de multiples registres puis synthétisées. Ce bureau s’occupait de l’essentiel, hormis la délivrance des passeports, livrets, cartes de population et de séjour qui revenait au sous-chef du bureau des passeports et à son expéditionnaire (deuxième bureau). C’étaient également un sous-chef et un expéditionnaire qui réglaient les questions du logement militaire (troisième bureau). Ces fonctionnaires, ainsi que ceux présents à la préfecture ou dans les commissariats faisaient fonctionner l’institution policière en reliant les différents rouages entre eux, en analysant des informations livrées brutes. Nous avons vu que la théorie du quadrillage, pour être appliquée, devait reposer sur une minutieuse technique de l’écrit ; ce furent ces employés de bureau qui s’en chargèrent 674 .

Sous la Restauration, il y avait un bureau permanent de police basé à l’hôtel de ville et tenu par les agents selon un roulement quotidien. L’agent de garde était donc détaché de ses obligations habituelles afin de ne pas être obligé d’abandonner ce poste particulier. Fixe, celui-ci empêchait que le maillage policier ne vînt à se rompre. En effet, les individus arrêtés étaient confiés à l’agent de service qui les conduisait à la prison de Roanne ou à l’hospice de l’Antiquaille. Les translations ainsi assurées, les forces de police n’avaient pas à se détourner de leur tâche de surveillance. Par la suite, les translations furent assurées par deux gendarmes, l’agent de service à la mairie n’ayant plus à quitter sa place 675 . Le quadrillage se mit en place peu à peu, fonctionnant grâce à des agents de liaison reliant les postes fixes. La clé de la réussite résidait dans la multiplication des hommes afin d’éviter que ces postes fixes servissent aussi de courroies de transmission.

Notes
673.

AML, 1160 WP 7, Ordre d’administration intérieure du maire de Lyon, 21/02/1811.

674.

Lorsque dans le chapitre suivant nous détaillerons le travail quotidien d’un commissariat de police, nous reviendrons plus en détail sur la multiplication des écritures qu’implique le quadrillage et sur le parcours de l’information qui, de l’agent, remonte aux plus hautes autorités. En ce qui concerne la carrière de ces employés, nous ne possédons, dans l’état actuel de nos recherches, aucune information. Il sera intéressant, par la suite, de s’interroger sur les ronds de cuir de l’administration policière.

675.

ADR 4 M 1, Rapport de l’adjoint au maire de Lyon chargé de la police municipale au préfet du Rhône, sd [1817-1822].