Permanence de la police ostensible et augmentation du personnel

Ce fut effectivement au niveau des agents subalternes – c’est-à-dire ceux qui étaient sur le terrain – qu’il y eut partage des compétences et augmentation des effectifs. A titre d’exemple, le bureau du premier commissaire spécial se composait d’un secrétaire, d’un expéditionnaire, de deux inspecteurs, six agents politiques, six autres pour la surveillance des mœurs et encore six agents secrets.

Le service ordinaire de la police était toujours du ressort des commissaires de police, des inspecteurs et des agents. Les commissaires se retrouvaient désormais au nombre de 22 : un commissaire spécial (puis trois), douze commissaires de quartier à Lyon (en 1855, le quartier de l’Hôtel Dieu fut adjoint à celui des Célestins), trois à La Guillotière, deux à La Croix-Rousse et Caluire, un à Vaise, un à Oullins et Sainte-Foy, un à Villeurbanne, Vaux, Bron et Vénissieux, un à Miribel et Rillieux 691 . Le pouvoir tenait enfin la possibilité d’un contrôle total sur Lyon et son agglomération, et avait l’opportunité de gérer beaucoup plus facilement que par le passé les « hétérotopies » – notamment rive gauche où la nouvelle urbanisation permit de tirer les quartiers au cordeau. Mais la primauté était toujours accordée au centre.

La fonction de commissaire n’eut vraisemblablement pas à souffrir de la multiplication des agents subalternes ; eux-mêmes étaient secondés d’un agent et d’un secrétaire. Leur rôle resta primordial, et peut-être que le côté relationnel de leur activité put s’en trouver accentué. Ils étaient encore considérés comme les premiers fonctionnaires de police, ayant notamment un droit absolu de réquisition sur tous les agents qui leur étaient inférieurs. Ils conservaient cette spécificité qui en avait fait les plaques tournantes du service de police. Pour cette raison, les agents de ronde des brigades de la police municipale (jusqu’en 1854) comme de la police de sûreté étaient astreints à se présenter deux fois par jour (une fois seulement pour les agents de la brigade des garnis), le matin et le soir, au commissariat du quartier par eux parcouru, pour signer un registre de présence, rapporter au commissaire ‘«’ ‘ […] les faits importants qu’ils auront remarqués […]’ ‘ 692 ’ ‘ ’» et s’enquérir des instructions. En important les usages de la surveillance des garnis et des étrangers, le pouvoir impérial poussa la logique du contrôle jusqu’à quadriller les agents du quadrillage.

Pour remplir des tâches spécifiques, les autorités du Second Empire maintinrent le corps des inspecteurs tout en lui conférant un poids nouveau. Toujours dans l’esprit d’une séparation des pouvoirs au bas de l’échelle, un inspecteur fut placé à la préfecture, un à la sûreté, un aux mœurs, un aux hôtels et garnis, un à la surveillance des voyageurs et des transports, un chargé de la banlieue (terme d’époque) et des communes limitrophes. Au-dessous des inspecteurs et sous leurs ordres, 48 agents se répartissaient dans les différents services. Le choix de la division des tâches s’explique facilement, et on nous pardonnera de citer simplement à ce propos le secrétaire général pour la police : ‘«’ ‘ Prenons un exemple. Un homme doit être arrêté. Les indications manquent. On ignore où il est : on fait appeler les inspecteurs des mœurs, des garnis et des voitures ; on donne l’ordre à l’inspecteur des mœurs de faire fouiller à fond par ses agens toutes les maisons de tolérance ; à l’inspecteur des garnis de faire visiter tous les garnis ; à l’inspecteur des voitures de s’assurer si l’homme que l’on cherche n’a pas quitté Lyon. Les agens partent à la fois avec un but bien défini et bien spécial, chacun connaissant parfaitement les lieux qu’il doit visiter, les personnes qu’il doit interroger [sic’] 693  ». Dans le même temps, la technique de quadrillage continuait de s’affiner. Ainsi, les garnis étaient désormais visités quotidiennement jour et nuit par des agents différents et à des heures variées.

Notes
691.

Les commissaires de quartier n’étaient pas subordonnés au commissaire spécial.

692.

AML, I1 4, Instruction du secrétaire général pour la police aux commissaires de police, 15/12/1852.

693.

ADR, 4 M 17, Rapport du secrétaire général pour la police au préfet du Rhône, sd [1852 ?].