Des fonctionnaires relativement jeunes

Nous possédons l’âge à la première nomination à Lyon de 151 commissaires :

Tableau n° 4 – Ages des commissaires à leur première nomination et en fin d’activité (respectivement 152 et 137 cas) – 1800-1870
Classes d’âge Age à la première nomination à Lyon Age en fin d’activité à Lyon 716
25-29 3,5% 1,5%
30-34 14% 4,5%
35-39 13% 13,25%
40-44 22% 13,25%
45-49 22,5% 16%
50-54 13% 14,5%
55-59 8% 17,5%
60-64 4% 10%
65-69 - 6%
70 et + - 3,5%

Le poste de commissaire de police ne fut pas accaparé par des barbons, même si 25% des commissaires avaient plus de 50 ans à leur première nomination. La rareté des plus de 60 ans est remarquable. Lyon étant une grande ville, on ne peut exclure qu’elle ait pu représenter si ce n’est un aboutissement, du moins une étape importante. Seulement les carrières des meilleurs éléments étaient rapides car pour être actif – et il faut l’être dans une telle cité – il valait mieux ne pas être grabataire. Pour ce faire, l’administration n’hésitait pas à mettre ses agents à la retraite : ‘«’ ‘ le sieur Bailleul est âgé de 73 ans et il est incontestable qu'à cet âge quelque [sic] soit sa bonne volonté, il lui est impossible de remplir utilement ses fonctions dans une ville qui par son importance exige de l'énergie et de l'activité’ 717  ». On comprend alors la part prépondérante qu’occupaient les quadragénaires. Commissaire à Lyon aurait été le poste non de la vieillesse mais de la maturité. Cela ne signifie nullement que les plus jeunes étaient exclus : si les trois quarts avaient moins de 50 ans, 30,5% avaient moins de 40 ans. Preuve que l’on pouvait faire ses premières armes dans une grande ville, sans forcément passer par un poste en périphérie.

A considérer désormais l’âge en fin d’activité à Lyon, un vieillissement certain s’observe, naturellement marqué par l’écroulement de la tranche des 25-34 ans. Il y a là le signe évident que les commissaires ne faisaient pas tous que « passer » à Lyon et que beaucoup restaient un minimum de temps en poste. On pressent cependant qu’il dut y avoir de fortes disparités entre des passages éclairs – notamment chez les 35-44 ans qui se maintenaient – et des carrières interminables. La répartition des plus âgés est logique – mis à part peut-être pour la tranche des 55-59 ans qui reçut le trop plein du groupe des quadragénaires restés en place. Cette classe d’âge, qui perdit du terrain, restait néanmoins l’une des plus représentées. Malgré la politique de mise à la retraite, 1/20e des commissaires finirent leur carrière lyonnaise à 60 ans et plus, certains ayant largement passé la limite d’âge tolérée. On ne manquera pas de souligner une évidence : la majeure partie des commissaires de police des années 1800-1870 étaient des hommes du XVIIIe siècle ou des premières années du siècle suivant. Au-delà du plaisir relatif d’enfoncer des portes ouvertes, nous souhaitons souligner combien ces hommes avaient pu être marqués par le contexte de leur enfance et de leur adolescence, les dernières décennies de l’Ancien Régime, la Révolution ou la figure napoléonienne. Ce contexte qui les a formés a pu certainement se retrouver dans leurs façons d’appréhender leur travail.

Quelques remarques à présent sur la répartition par âge des premières nominations en fonction des régimes successifs (nous ne prenons pas ici en compte les quelques commissaires ayant traversé les régimes et vieilli avec eux) :

Tableau n° 5 – Age des commissaires de police à leur première nomination, par régime politique (152 cas) – 1800-1870
Consulat & Empire Restauration Monarchie
de Juillet
Deuxième République Second Empire
25-29 0 2 2 1 0
30-34 5 5 9 2 2
35-39 2 2 9 2 5
40-44 5 4 9 6 8
45-49 7 5 7 5 10
50-54 0 4 6 5 5
55-59 1 4 1 2 4
60-64 2 2 2 0 0

Le Consulat et l’Empire privilégièrent la nomination d’hommes de moins de 50 ans, en priorité des quadragénaires. La Restauration innova en nommant deux commissaires de moins de 30 ans et, plus généralement, parut avoir une politique de nomination moins basée sur l’âge puisque toutes les tranches étaient représentées. La Monarchie de Juillet marqua indubitablement une rupture en privilégiant systématiquement la nomination d’individus jeunes – plus de la moitié avaient moins de 45 ans. Un renversement sous la Deuxième République se traduisit par un vieillissement certain, même si, pour la première fois, aucun commissaire de plus de 59 ans n’avait été nommé. Sous le Second Empire, les quadragénaires ne furent jamais aussi nombreux ; un certain équilibre fut retrouvé malgré une légère préférence à l’expérience. En résumé, on ne peut exclure que les régimes qui se succédèrent au XIXe siècle aient pu avoir une politique de nomination en fonction de l’âge, manière de rompre avec une époque révolue en pariant sur la nouveauté ou au contraire en optant pour la respectabilité.

Notes
716.

Il s’agit de la dernière date à laquelle nous les avons repérés à Lyon, qu’ils aient ou non terminé leur carrière dans cette ville.

717.

ADR, 4 M 41, Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet du Rhône, 20/12/1848.