2 - La carrière de commissaire

Une mobilité importante mais gênante

En reprenant nos fiches une à une, nous nous sommes vite rendus compte qu’aucune logique ne guidait les parcours. Les commissaires venaient de la France entière ; la quasi-totalité des villes était représentée. Certains connurent de nombreux postes avant d’être nommés à Lyon (carte n° 8), d’autres non (Carte n° 9). L’étape précédent Lyon s’arrêtait quelquefois dans un des trois faubourgs mais ce n’était pas une constante (carte n° 7). Avant cela il ne semble pas y avoir de règles, bien que Caluire, Villefranche, voire une grande ville française (Toulouse, Lille, Marseille, Bordeaux) se retrouvent fréquemment, signe que Lyon était certainement un aboutissement. A contrario, Paris ne fut jamais l’étape précédant Lyon. Une étape intermédiaire venait fréquemment s’intercaler entre une grande ville et Lyon (carte n° 9). Le commissaire était alors nommé dans une commune de moindre importance. Il ne s’agissait pas de rétrogradation mais de changement de statut, le fonctionnaire devenant alors commissaire central ou commissaire départemental. Malgré tout, seule une étude nationale montrerait si certains postes étaient de véritables rampes de lancement (le parcours de la carte n° 11 serait-il un modèle du genre (de Tours à Paris en passant par Lyon) ? Au-delà de ces premières constatations, on doit finir par admettre que les déplacements géographiques se faisaient rarement dans une région délimitée – sauf peut-être en début de carrière pour se faire la main comme ce commissaire écumant les postes entre Drôme, Ardèche et Gard (carte n° 8). Nos fonctionnaires parcouraient la France en tout sens, ainsi que le montrent chacune des cartes : d’Abbeville à Marseille (carte n° 7), de Chambéry à Brest (carte n° 8), au prix d’incessants allers-retours (carte n° 10). Leurs nominations – sauf parfois en début de carrière (cartes n° 6, 7 et 10) – se faisaient au mépris de leur lieu de naissance, même si nous pouvons supposer que certains tentaient de se rapprocher de leurs racines (carte n° 6 notamment).

Carte n° 6 : Parcours professionnel du commissaire de police
Carte n° 6 : Parcours professionnel du commissaire de police Pierre Maurice BESNIER de BLIGNY (1836-1849)
Carte n° 7 : Parcours professionnel du commissaire de police
Carte n° 7 : Parcours professionnel du commissaire de police Adrien BARRAUD (1843-1859)
Carte n° 8 : Parcours professionnel du commissaire de police
Carte n° 8 : Parcours professionnel du commissaire de police Emile Pierre BERLIER (1854-1862)
Carte n° 9 : Parcours professionnel du commissaire de police
Carte n° 9 : Parcours professionnel du commissaire de police Jean-François GIACOMETTI (1856-1862)
Carte n° 10 : Parcours professionnel du commissaire de police
Carte n° 10 : Parcours professionnel du commissaire de police François André LOISEL (1843-1862)
Carte n° 11 : Parcours professionnel du commissaire de police
Carte n° 11 : Parcours professionnel du commissaire de police Charles Louis de LACHEVARDIERE de LAGRANDVILLE (1853-1860)

Les carrières, avec leurs incessants changements de résidence, pourraient faire penser que les commissaires de police furent d’indécrottables célibataires. Il n’en fut rien. Bien que raisonnant à partir de 99 cas, les résultats sont probants : 94% des commissaires étaient ou avaient été mariés (6% de veufs). Et sur 95 d’entre eux, les trois quarts étaient pères de famille :

Tableau n° 7 – Nombre d’enfants par ménage (71 cas) – 1800-1870
Nombres d’enfants Nombre de ménages
1 16
2 20
3 17
4 10
5 4
6 3
10 1

Familles à nourrir, déplacements à supporter… L’administration octroyait heureusement des aides. En 1843, Villeneuve toucha 200 francs d’indemnités de déménagement d’Orléans à Lyon. La femme de Pierre Pautrot Chaumont, quant à elle, préféra rester avec ses enfants à Poitiers, ancien lieu de résidence de son mari. Les commissaires se plaignaient de leur salaire car ils avaient des enfants à élever. Ils tentaient de leur donner la meilleure éducation possible. Pautrot Chaumont eut un fils licencié en droit employé dans les contributions indirectes et une fille qui, soutenue par le directeur des Postes et le ministre de l’Intérieur, attendait une direction des postes. Frédéric Gabriel Cousin eut deux fils avocats et un troisième receveur des domaines. Ce fut du reste parce qu’il n’avait plus d’argent pour payer leurs études qu’il devint commissaire de police.