3 - Les actes administratifs

La base de données contenant les actes administratifs apporte-t-elle un éclairage différent sur les techniques de police ? Pour répondre à cette question, 982 actes ont été enregistrés correspondant à une période de 20 ans à raison d’un sondage tous les cinq ans concernant trois arrondissements de la Presqu’île : Villeroy (1841), Collège (1846) et Célestins (1851, 1856, 1861) 774 . Face à la richesse de cette source, seuls les 200 premiers actes de chaque registre ont été retenus 775 . Quels étaient ces actes administratifs ? Passons rapidement sur quelques actes isolés tels que enquêtes commodo/incommodo (2 cas), internement d’aliéné sur plainte du voisinage (1 cas), permission d’ouverture à usage privé pour un débitant de boissons (1 cas), paraphes des registres de commerçants (8 cas). Les contraventions et les notifications représentent l’essentiel des actes. Les notifications, ainsi que leur nom l’indique, étaient en quelque sorte des rappels à l’ordre adressés à des particuliers pour qu’ils se présentent à l’autorité statuant des contraventions (2 cas), qu’ils ferment leur maison close (1 cas), soient avertis de leur condamnation par défaut en simple police (8 cas), se conforment à divers règlements de police (68 cas, ce dernier type de notifications était-il un rappel à l’ordre précédant la contravention ou était-il réservé aux récidivistes ?). Visiblement les actes administratifs concernaient davantage les choses que les hommes – ce que le détail des 885 contraventions (90% des actes) présenté en annexe confirme 776 . Effectivement les comportements délictueux relevant principalement de la violence ne concernaient que 9% du total des délits, à peine plus que les ouvertures tardives de débits (8,5%). Plus du cinquième des actes relevaient de la salubrité et de l’hygiène, de tout ce qui gênait la voie publique et l’extérieur en règle générale. En résumé, il ne s’agissait ni plus ni moins que de police municipale ; police qui luttait contre la malpropreté, les règlements inappliqués en matière de portes d’allées ou de circulation. Et que dire encore des délits professionnels qui avaient une conséquence directe sur la salubrité de la ville, de l’entrepreneur qui stockait des pierres sur les quais, du charpentier qui laissait poutres et planches en plein milieu de la rue, des tentes et devantures des magasins qui s’étalaient jusqu’au milieu de la chaussée… ?

De manière analogue à la police des hommes, celle qui s’attachait aux choses reposait sur la simple visibilité des faits. Les délits étaient constatés au gré des rondes : l’embarras sur la voie publique se repérait immédiatement, de même pour les pots de chambre dont les contenus manquaient rarement de se déverser sur les infortunés gardes. Là aussi, c’était un regard que les agents provoquaient ; passée l’heure légale, ils entamaient la tournée des débits de boissons, sachant fort bien qu’ils auraient à coup sûr à dresser plusieurs contraventions. Apercevant des vidangeurs ou des étalagistes, ils s’empressaient de leur demander leurs autorisations. Et rien de plus simple que de constater des délits de roulage, puisqu’ils croisaient sans cesse des voitures. Ils avaient une fois encore tellement été assommés de consignes relativement aux portes d’allées laissées ouvertes favorisant la criminalité, ils avaient été si bien convaincus que la surveillance de ces allées devait être leur principale activité, qu’ils ne faisaient que cela ! Ne croyons pas que la vue seule conditionnait leur travail. L’ouïe était également fort importante pour entendre le pot de fleurs qui se brisait sur le pavé, le tapis que l’on battait avec force, les encouragements coquins des filles raccrochant aux fenêtres, les cris nocturnes aux effluves alcoolisés, le brouhaha s’échappant des arrières salles des cafés où les agents ne devaient jamais pénétrer.

Notes
774.

Soit respectivement AML I1 132, 134 et 130. Cf. annexe n°1/ix.

775.

Excepté pour le quartier de Villeroy ne comportant que 182 actes. Nous avons privilégié une approche temporelle plutôt que spatiale, d’où la nécessité de jongler avec trois arrondissements de type similaire (quartiers du centre sur lesquels le pouvoir resserre les mailles du quadrillage).

776.

Cf. annexe n°28.