La pression du rendement

L’information ne passait pas toujours mais des nouvelles parvenaient régulièrement aux oreilles des autorités qui demandaient alors des comptes à leurs agents : ‘«’ ‘ cette nouvelle est-elle exacte ? ’», ‘«’ ‘ des troubles ont eu lieu dans votre quartier, pourquoi n’avoir opéré aucune arrestation ? ’», etc. Il était fréquemment reproché aux commissaires de police leur manque de travail ; le pouvoir aurait aimé que ses fonctionnaires lui fissent parvenir davantage de procès-verbaux, de rapports divers, de synthèses. Le secrétaire général pour la police s’insurgea à ce propos, car la moyenne des contraventions était de 25 par jour soit 5 par arrondissement, soit ‘«’ ‘ […] un chiffre très peu élevé’ 852  ». Nous avons vu précédemment, avec l’exemple des actes judiciaires, que les commissaires transcrivaient très rapidement leur travail dans leurs registres ; le problème se situait donc au niveau de la transmission de ces rapports à l’autorité supérieure. La remontrance en réalité était d’abord formulée par le ministre à l’égard du préfet 853 , celui-ci la répercutait sur les commissaires qui eux-mêmes exhortaient leurs agents à une plus grande efficacité. Pour le pouvoir, il fallait un rendement de l’activité policière et si elle était insuffisante cela signifiait que les fonctionnaires de police ne travaillaient pas. Donc, les commissaires étaient obligés d’avoir des résultats. Mais il leur arrivait parfois d’être excédés : ‘«’ ‘ Réclame-t-[on] des rapports plus nombreux ? Je ne puis faire naître les événements, et depuis quelque tems [sic] aucun fait n’a mérité de faire l’objet d’un rapport spécial […]’ ‘ 854 ’ ‘ ’». La plupart du temps, chacun laissait sa colère de côté et, sous des formes beaucoup plus arrondies, tentait de se justifier. Ces tentatives de justification s’opéraient à tous les niveaux, depuis l’agent jusqu’au préfet. On peut noter au passage qu’une manière habituelle de se dédouaner consistait à « accuser » la population d’être négligente notamment en matière de sûreté domestique (et donc de faciliter la tâche des voleurs 855 ) ou encore en matière de propreté 856 .

Notes
852.

AML, 4 M 3, Id., annotations en marge du secrétaire général pour la police [?].

853.

ADR, 4 M 17, Circulaire du ministre de l’Intérieur aux préfets, 26/05/1820.

854.

ADR, 4 M 2, Lettre du commissaire de police des Célestins au maire de Lyon, 20/12/1833.

855.

Id., Rapport du préfet du Rhône au ministre de l’Intérieur, 22/01/1829.

856.

Accusations partagées. Cf. Le Précurseur, 05/05/1829. Cité dans Philippe PAILLARD, « L’organisation… », art. cit., p. 26.