L’indice de l’âge

Nous avons établi, dans le tableau suivant, le rapport entre l’âge des référentiels et celui de leur référent. De façon totalement arbitraire, nous avons inclus dans la catégorie « même âge » les individus ayant au maximum cinq ans d’écart. Ainsi pour un référent de 30 ans, les référentiels compris dans la tranche d’âge des [25-35] ans ont été comptabilisés dans cette catégorie ; les autres furent distribués en « plus jeunes » ou « plus vieux ».

Tableau n° 21 : Age des référentiels par rapport à l’âge des référents – 1805-1808/1863-1878
 
1805-1808 1863-1878
% des référentiels (1 241 cas) Nombre de réseaux concernés (308 cas) % des référentiels (374 cas) Nombre de réseaux concernés (54 cas)
+ jeunes 35 201 21 27
même âge 31,5 197 9,5 10
+ vieux 33,5 195 69,5 49

La répartition homogène des référentiels de la première cohorte recoupe celle des référents ; non seulement toutes les classes d’âge étaient représentées, mais elles l’étaient uniformément. A chaque fois, deux réseaux sur trois étaient concernés par l’une ou l’autre des catégories – et bien souvent par les trois à la fois. La répartition de la seconde cohorte est différente puisque près de sept individus sur dix s’avéraient plus âgés que leur référent. Il était normal que 90% des réseaux intègrent au moins une personne plus âgée et que les plus jeunes soient peu représentés, tant la population des référents était en majorité très jeune. 21% des référentiels étaient plus jeunes que leur référent, mais ils étaient intégrés dans la moitié des réseaux ; ils étaient donc peu nombreux mais bien représentés. On relève à ce propos la fréquence élevée du nombre de réseaux mêlant référentiels du même âge à d’autres plus vieux. Si on affine la recherche avec une répartition suivant les classes d’âge, les données précédentes sont confirmées. L’homogénéité des 20-49 ans se retrouvait dans la première cohorte. Aucune classe d’âge ne se définissait par une spécificité quelconque mais les individus du même âge n’étaient jamais les plus nombreux. Une semblable répartition pour l’autre échantillon confirme le poids des plus vieux pour les référents de moins de 40 ans. Pour les plus de 40 ans, certes peu nombreux (51), les référentiels se répartissaient également dans les trois catégories – ce qui confirme l’influence de la maturité dans ce corpus.

Les deux échantillons montrent des réseaux peut-être plus étendus que ce que de vieilles idées reçues auraient pu nous laisser croire. Il n’y avait pas de ségrégation liée à l’âge – et si les bandes de jeunes existaient, elles ne constituaient pas l’unique réseau de la jeunesse. On s’aperçoit clairement, grâce aux résultats des années 1860 et 1870, qu’un individu de 20 ans savait mobiliser un réseau de personnes plus âgées si le besoin s’en faisait sentir. En l’occurrence, ce besoin était réel puisqu’il était question d’obtenir un acte de notoriété. Beaucoup de référents partaient à la recherche de personnes qui auraient connu un parent disparu. Eclairage intéressant de la place des réseaux dans une vie et de leur rapport à la notion de stratégie : nous tenons ici quelques exemples de réseaux familiaux assoupis qui, grâce à un événement donné, purent être facilement réactivés. On peut donc en tirer trois enseignements : la plasticité des réseaux était aussi fonction de la proximité amicale ; la transmission des réseaux familiaux était une réalité ; un réseau n’était pas forcément actif.