Répartition par domicile

Seules 309 adresses furent retranscrites par les commissaires dans leurs registres. L’écrasante majorité des arrestations concernait des individus domiciliés à Lyon ou dans ses faubourgs. 47 (15%) n’étaient pas considérés comme Lyonnais. 8,5% étaient effectivement étrangers et habitaient pour la plupart des villages proches de Lyon ; 6,5% étaient inscrits comme SDF ce qui ne signifie pas forcément qu’ils fussent étrangers à la ville. Plus des trois-quarts des individus catalogués horsains (37) furent arrêtés pour vol. Cela pourrait s’expliquer par les multiples tentations offertes par la ville aux villageois – villageois qui, par ailleurs, n’étaient pas assez intégrés dans les réseaux locaux pour pouvoir participer au jeu de la violence.

Quant aux 262 Lyonnais et faubouriens, il est possible de comparer grossièrement leur domicile par rapport au quartier où ils commirent leur forfait :

Tableau n° 39 : Comparaison du domicile des agresseurs et du lieu du délit (262 cas) – 1833-1855
 
Voleurs Violents Total agresseurs
Nombre % Nombre % Nombre %
Même quartier 74 62,5 69 48 143 54,5
Autre quartier 44 37,5 75 52 119 45,5

Avouons-le sans attendre : pour les quartiers centraux – petits et imbriqués les uns dans les autres – la pertinence du critère du domicile est incertaine tant la plupart des individus de la Presqu’île habitaient entre Bellecour et les Terreaux. Nos résultats s’apparentent donc à des estimations. Par rapport à l’ensemble des agresseurs, les chiffres sont équitables, même si on paraissait davantage porté à l’agression dans son propre quartier. On ne cachait donc pas vraiment ses frasques. Y aurait-il eu une certaine habitude de ces deux types de délits ? Le vol aurait relevé de la nécessité et de la tentation de la misère ; cette nécessité aurait été acceptée – ce qui ne signifie pas que le vol le fût forcément. La violence, par la parole comme par le geste, ne se serait pas dissimulée dans des terrains vagues et se serait établie au grand jour ; sa nécessité et son déroulement aurait été acceptés. L’agression de proximité était surtout le fait des faubourgs et quartiers périphériques. De tous les agresseurs habitant le même quartier que leur victime, 69 étaient domiciliés à Perrache ou à la Guillotière contre 74 ailleurs – alors qu’il ne s’agit que de deux arrondissements contre sept ! Le repli sur ces quartiers, noté au niveau des réseaux de relations, se retrouve ici. Près des trois quarts de ces excentrés se firent arrêter dans leur quartier ; pour les autres arrondissements, leur nombre s’élevait à moins de la moitié. Quand on changeait de quartier pour agresser autrui, on habitait de préférence la rive droite de la Saône et on était attiré par le centre ; sinon, on habitait entre Bellecour et les Terreaux et on se déplaçait à l’intérieur de ce périmètre réduit. En ce sens, agresser quelqu’un dans un quartier autre que le sien ne signifiait nullement se retrouver à l’autre bout de la ville.

A distinguer voleurs et violents, il apparaît que le vol résultait de l’interconnaissance : on se volait et s’escroquait entre soi – essentiellement dans le faubourg de La Guillotière et à Perrache. Voyez cet homme de 52 ans vivant depuis onze ans dans le quartier Perrache et jouissant d’une bonne réputation : son travail lui rapportant à peine un franc par jour et ayant un enfant de sept mois à charge, il vola du charbon à côté de chez lui 1083 . D’autres voleurs d’habitude étaient connus comme le loup blanc dans leur quartier où ils exerçaient leurs coupables activités ; en cas de vol, ils étaient vite soupçonnés et celui qui opérait dans son voisinage, rapidement retrouvé… Les maigres résultats concernant la violence viendraient confirmer l’étude des réseaux. S’il s’agissait d’une opposition liée à l’interconnaissance, elle n’était pas obligatoirement prisonnière du proche voisinage. On pouvait bien aller chez une de ses connaissances habitant un quartier différent du sien pour régler avec elle, et chez elle, un différend.

Puisqu’on évoque les réseaux, un mot à propos des 110 affaires mettant en scène au moins deux agresseurs. Comme pour les réseaux, l’âge n’était pas un critère d’association – souvent même un plus âgé faisait équipe avec un jeune. La diversité était également la règle au niveau professionnel. En revanche, en ce qui concernait le domicile, on était entre soi : on habitait le même quartier voire la même rue quand on fomentait un mauvais coup – surtout pour ceux de Perrache et de la rive gauche du Rhône.

Notes
1083.

AML, I3 28, Procès-verbal du commissaire de police de Perrache, 07/04/1854.