Répartition par profession

Une répartition par âge est malheureusement impossible tant cette donnée est lacunaire chez les victimes 1084 . Nous sommes bien plus chanceux avec l’indice socioprofessionnel car nous connaissons l’activité de 515 individus.

Tableau n° 41 : Profession des agressés selon le type de délit commis (515 cas) – 1833-1855
 
Volés Violentés Total agressés
Nombre % Nombre % Nombre %
Commerçants 136 37,5 27 17,5 163 31,5
Ouvriers/Artisans 82 22,5 43 28,5 125 24,5
Classes supérieures 67 18,5 10 6,5 77 15
Employés 62 17 12 8 74 14,5
Forces de l’ordre 1085 5 1,5 50 33 55 10,5
SP 5 1,5 9 6 14 2,5
Divers 6 1,5 1 0,5 7 1,5

Les résultats généraux prouvent que les agressés se recrutaient dans à peu près toutes les franges de la société, à l’exception notoire d’une seule : les sans profession et marginaux. Si on retire de cette catégorie les neuf enfants, il ne reste que cinq matrones – toutes embarquées dans une seule et même affaire… Les victimes se recrutaient donc principalement aux échelons supérieurs. Et d’abord parmi les commerçants et marchands. Leur statut premier de victime était attendu, tant ils se plaçaient au centre des relations sociales, au niveau des réseaux de relations comme à celui de l’économie d’un quartier. Ils proposaient quelque chose aux autres : l’épicier de la nourriture, le débitant des boissons, le marchand de nouveautés des biens divers (ces trois pôles principaux étaient représentés de manière équivalente). Voilà qui contrebalance l’habituelle hégémonie des ouvriers, relégués ici au deuxième rang avec à peine un quart des agressés. Il est malgré tout probable que leur nombre fût sous-évalué – nous le verrons par la suite. Comme pour les agresseurs, toutes les branches d’activité des ouvriers/artisans fournissaient des victimes ; on constate cependant la part insignifiante des ouvriers les moins qualifiés, ce qui confirme l’idée selon laquelle les « petits » apparaissaient peu parmi les victimes. Si les domestiques et les employés des services ne constituaient pas une cohorte numériquement négligeable, ils se voyaient dépassés d’une courte tête par les représentants des classes supérieures dont la part s’élevait à 15% des victimes (c’étaient, pour la plupart, des propriétaires, des négociants, des entrepreneurs et des fabricants). Enfin, les forces de l’ordre regroupant 10,5% des agressés, il y aurait eu une pratique d’agression directe à l’encontre de l’autorité – dirigée essentiellement contre la police.

Si on détaille ces résultats en opérant la distinction volés/violentés, les résultats deviennent limpides. Plus de huit individus sur dix appartenant aux groupes des domestiques et employés, des marchands et commerçants et des professions supérieures avaient été victimes de vols. C’étaient eux qui provoquaient la tentation par leurs marchandises. Cela était vrai pour les commerçants ainsi que nous l’avons souligné, mais cela l’était également pour les employés, les commis et les voituriers qui traversaient souvent la ville avec un chargement sous leur garde ; cela l’était encore pour les entrepreneurs, qui se faisaient voler sur leurs chantiers, ou pour les négociants. La proportion s’équilibrait un peu parmi les ouvriers/artisans, passant de deux volés pour trois agressés. Elle s’inversait totalement pour les forces de l’ordre : elles étaient bel et bien victimes d’agressions physiques 1086 . Elles étaient du reste la première catégorie sociale représentée parmi les violentés (33%), devant les ouvriers/artisans (28,5%). Mais le plus surprenant est la part encore élevée des commerçants : 17,5%. Peut-être faut-il y voir une habitude de la violence que ces futures « classes moyennes » n’avaient pas encore perdue en vivant au contact des travailleurs manuels. En revanche, on explique avec plus de difficultés la faible représentation des employés (lesquels, contrairement aux cols blancs de la Belle Epoque, devaient partager la plupart de leurs pratiques avec les ouvriers et artisans).

Notes
1084.

Sur 42 indications, plus des trois quarts des individus avaient moins de 30 ans.

1085.

Cette catégorie regroupe les militaires et les policiers.

1086.

Voir chapitre XIII. Seuls les militaires étaient victimes de vols.