Tableau n° 53 : Répartition horaire des délits (307 cas) – 1833-1855

  Nombre
de vols
% des vols Nombre
d’actes violents
% des actes violents Total des agressions % des agressions
[6h-12h[ 57 26 21 24 78 25,5
[12h-18h[ 32 14,5 28 32 60 19,5
[18h-24h[ 70 32 32 36 102 33
[24h-6h[ 60 27,5 7 8 67 22

Le tiers des délits étaient perpétrés en soirée, depuis la fin de la journée de travail jusqu’à la fermeture des débits de boissons. Ces heures étaient les seules de la journée durant lesquelles le peuple disposait d’un peu de temps pour s’immerger dans les sociabilités quotidiennes de la rue ou du café. Entre chien et loup s’allongeait le temps du loisir propice à la rencontre, la camaraderie et l’affrontement. Le temps du cabaret était le temps de l’égayement ; les esprits s’y échauffaient facilement, les coups se mettaient invariablement à pleuvoir et le ressentiment entraînait le vol. Voler était tellement plus simple à cette heure du jour où tout un chacun était volontiers dehors plutôt qu’à son domicile. Mais tout de même le quart des délits avaient lieu le matin ; il est vrai que, dès les premières lueurs de l’aube, la ville reprenait son rythme frénétique, les déplacement laborieux se mettaient en train, beaucoup recommençaient leur entrée quotidienne en ville. Cette venue en ville des travailleurs de la terre et les cheminements de ceux qui ne travaillaient pas à domicile facilitaient les rencontres et les vols. En revanche, les heures les plus noires de la nuit regroupaient à peine un peu moins de délits (22%), mais qu’on ne s’y trompe pas : le temps des interdits profitait avant tout aux voleurs qui cambriolaient les habitations ou détroussaient les passants attardés. La nuit, la violence semblait peu employée – et ce n’était guère dû aux activités policières car on ne peut pas prétendre que les forces de l’ordre étaient moins nombreuses la nuit que le jour. Cela tendrait à prouver que la violence était une pratique partagée par l’ensemble des classes populaires et qui entrait dans les cadres horaires dévolus à la sociabilité habituelle. Le vol de nuit, comme l’ensemble des activités nocturnes, aurait été le fait de « marginaux ». Pour autant, il n’est pas exclu que le vol pût faire partie intégrante du vivre ensemble en étant reconnu comme une nécessité chez les plus pauvres. Cette reconnaissance ne signifiait pas que le voleur fût vu d’un bon œil par la communauté car on se méfiait de celui qui, chez les autres, « regardait de tout côté 1094  ». Enfin, le vol était assez peu présent l’après-midi, au contraire de la violence. La lumière était-elle trop présente pour s’adonner au chapardage ? Cela confirmerait le fait que les voleurs étaient soit des habitués organisés préférant la nuit soit des occasionnels profitant des absences de la soirée ; de jour, les marginaux se terraient et les occasionnels travaillaient ou cherchaient de quoi s’occuper honnêtement. La violence s’insérait en revanche fort bien dans les heures de l’après-midi, s’aidant de la porosité des temps du travail et du repos. Etait alors facilitée la rencontre avec l’adversaire et il était permis à chacun d’entendre et de voir ce qui se passait. En définitive, les rythmes de l’agression suivaient ceux, saisonniers, hebdomadaires et horaires, de la vie populaire.

Notes
1094.

AML, I3 11, Actes judiciaires du commissaire de police de Pierre Scize, Affaire Bajard, 01/11/1835.