A- Interconnaissance et surveillance : le rôle du voisinage

Les relations de voisinage étaient à double tranchant et l’interconnaissance n’avait pas que du bon… Liée à la surveillance, celle-ci annihilait a priori toute possibilité d’intimité hors de son logement. Pour celui ou celle qui avait des difficultés à suivre les normes du groupe, il n’était pas aisé de garder l’anonymat : celui qui ne travaillait pas était immédiatement repéré et la fille séduite rejetée. Mais comment savoir si tel ou tel était devenu indésirable ? C’était là tout le travail de surveillance du voisinage, car, ‘«’ ‘ dans un réseau de sociabilité, puisqu’il n’y a pas de contrat, la coordination se fait essentiellement par voisinage’ 1161  ». Il faut donc déconstruire une vision trop idyllique de la vie de quartier. L’hostilité était tout autant une réalité du voisinage que la solidarité – mais n’est-ce pas une donnée intangible au vivre ensemble, quelle que soit l’époque considérée 1162  ? Méfiance et vigilance prenaient naturellement place dans un milieu urbain où de nouveaux visages venaient sans cesse enrichir la communauté 1163  ; arrivant fraîchement débarqué ou déménageant d’un autre quartier, celui qui s’installait se plaçait immédiatement sous le contrôle d’un voisinage déjà fort occupé par sa propre auto surveillance. Avant de pouvoir décortiquer les techniques de surveillance, il nous faut dire un mot sur ce qui était au centre du vivre ensemble : l’honneur. L’honneur sert de lien parfait entre ce chapitre et le précédent puisqu’il était la condition indispensable à l’existence de l’agression et qu’il induisait la très grande importance que chacun portait au regard d’autrui sur sa propre réputation.

Notes
1161.

Michel FORSE, « Les réseaux… », art. cit., p. 249.

1162.

Pour l’époque médiévale, Claude Gauvard a bien montré comment le rôle du voisinage relevait tout à la fois de la surveillance et de l’assistance. Elle a surtout mis l’accent sur des pratiques très fines concernant la gestion des conflits, pratiques que nous essaierons à notre tour de retrouver dans ce chapitre. Claude GAUVARD, « Violence citadine et réseaux de solidarité. L’exemple français aux XIVe et XVe siècles », Annales ESC, n° 5, septembre-octobre 1993, pp. 1119-1120.

1163.

Patrice PEVERI, « Voisinage et contrôle social au XVIIIe siècle. Les cartouchiens sous le regard des honnêtes gens », Mentalités, n° 4, 1990, pp. 89-103.