1 - Portrait de la prostituée

L’âge

Nous avons pris en compte l’âge au premier recensement de 1 126 prostituées. On se gardera bien de prendre pour argent comptant leurs déclarations aux inspecteurs des mœurs. De ces filles nées entre 1760 et 1875, une habitude demeurait : tricher sur son âge. Mariette Dufay, née en 1787, déclara avoir 22 ans de 1809 à 1816 et Mariette Vénérier, née en 1784, avait toujours 27 ans en 1816 ! Qu’on ne mette pas hâtivement cela sur le compte d’une pure coquetterie. Les mineures devaient se vieillir pour obtenir le droit de se prostituer et les plus « âgées » se rajeunissaient pour pouvoir se faire embaucher plus facilement.

Tableau n° 61 : Age des prostituées au premier recensement (1 126 cas) – 1808-1890
Classe d’âge Nombre de filles %
14-19 ans 130 11,5
20-24 ans 642 57
25-29 ans 232 20,5
30-34 ans 85 7,5
35-39 ans 23 2
40 ans et + 14 1,5

Si la plus jeune avait 14 ans et la plus âgée 67 ans, il n’est pas révolutionnaire d’insister sur la jeunesse des prostituées. On relèvera toutefois que 11,5% avaient moins de 20 ans dont une quarantaine entre 14 et 18 ans. Plus de la moitié se disaient âgées de 20 à 24 ans. Ainsi donc, les 9/10ème avaient moins de 30 ans ! Des femmes pouvaient toutefois se prostituer jusqu’à 35 ans environ. Au-delà, on ne peut exclure que quelques-unes parvenaient encore à vivre de leurs charmes. On aurait, plus vraisemblablement, affaire à des tenancières de maisons closes inscrites par erreur dans les registres des filles. Majoritairement, les filles publiques, de par leur jeunesse, ressemblaient aux vagabonds : il s’agissait là encore d’une fragilité qui s’exprimait parmi les plus jeunes. M. J. Marmy et Ferdinand Quesnoy, dans leur panorama statistique complet de la prostitution lyonnaise sous le Second Empire, ont montré que, en 1860 et 1864, la grande majorité des filles publiques avaient entre 20 et 25 ans 1368 . Des prostituées aussi jeunes étaient naturellement célibataires. D’après eux, en 1855, 801 prostituées étaient célibataires, douze étaient mariées et trois veuves 1369 . Une question peut dès à présent être posée : que devenaient ces filles, passée la trentaine, sachant que toutes ne pouvaient avoir l’opportunité d’ouvrir une maison de passe ? Question intéressante mais à laquelle il est quasiment impossible de répondre…

Notes
1368.

M. J. MARMY, Ferdinand QUESNOY, Hygiène des grandes villes. Topographie et statistique médicales du département du Rhône et de la ville de Lyon, Lyon, Vingtrinier, 1866, pp. 358-359.

1369.

Id., p. 350.