L’origine géographique

L’origine géographique, comme l’âge, sont les deux renseignements les plus souvent indiqués (ici 1 116 fois) ; il est vrai qu’ils intéressaient au premier chef les policiers soucieux de repérer les mineures et de renvoyer chez elles les filles posant problème. Certainement moins sujette à caution que l’âge, l’origine géographique n’est pas toujours assurée, entre mensonges des filles 1370 et mauvaise retranscription des policiers.

Tableau n° 62 : Origine géographique des prostituées (1 116 cas) – 1808-1890
Lieu de naissance Nombre de filles %
Lyon 258 23
Rhône (hors Lyon) 82 7,5
Départements limitrophes 284 25,5
Autres départements 429 38,5
Etranger 63 5,5

D’emblée frappe la diversité des origines : pas loin de quatre filles sur dix étaient nées ailleurs que dans le Rhône et ses départements limitrophes ; toutes les régions étaient représentées. Bien entendu, il faut souligner que près du quart étaient natives de Lyon et 7,5% du reste du département du Rhône ; mais, selon un schéma habituel, plus le siècle avançait, plus la diversité des origines se faisait sentir. Classiquement, le quart des filles venaient des département limitrophes, de la Loire et de l’Isère avant tout (respectivement 92 et 80 filles). Parmi celles venant de plus loin, un autre quart était originaire des zones traditionnelles d’émigration en direction de Lyon ; on remarque notamment l’importance des deux Savoie (39 filles), du Jura (36), de la Côte d’Or (32), du Puy-de-Dôme (30) et encore de l’Alsace (30) et de Paris (22). Parmi les étrangères, on notera l’importance des Suisses (36 filles).

Ces données valent essentiellement pour la première moitié du XIXe siècle. Pour le Second Empire, l’enquête de Marmy et Quesnoy livre les départements de naissance de 1 628 prostituées à raison de trois sondages sur dix ans (1855, 1860, 1864) 1371 . A cette période, les répartitions avaient déjà évolué. Les natives du Rhône (Lyon compris) ne représentaient plus que 15% des filles publiques et celles des départements limitrophes seulement 18%. En revanche, les étrangères étaient deux fois plus nombreuses que par le passé (11%) et près de six sur dix (56%) provenaient des autres départements français. Dans le détail, au-delà de la diversité des origines, les mêmes départements se retrouvaient, signe d’une certaine cohérence 1372 .

La grande ville générait sa propre prostitution, l’alimentait elle-même. Les zones de migration classique comme le reste du pays fournissaient aussi leur contingent de filles. On peut alors toujours mobiliser la vieille explication du déracinement ; ce n’est toutefois pas la seule explication et il est probable que certaines avaient pu bénéficier de réseaux d’intégration. N’oublions pas non plus que Lyon, grande cité et ville de garnisons, attirait nombre de prostituées.

Notes
1370.

Elisabeth Sernard se disait tantôt native de Turin (Italie), tantôt originaire de Châteauroux…

1371.

M. J. MARMY, Ferdinand QUESNOY, Hygiène…, op. cit., pp. 352-355.

1372.

Ayant travaillé sur les registres de trois maisons lyonnaises, Alain Corbin notait un recrutement « local » axé sur le sillon rhodanien et le Massif Central. Malheureusement, ces registres n’ont visiblement pas été conservés. Cf. Alain CORBIN, Les filles…, op. cit., p. 111.