L’origine sociale

Pour avoir une idée de l’origine sociale des prostituées, on peut se reporter à l’Etat Civil pour rechercher leur acte de naissance et recenser la profession des parents. Ce travail, simple en apparence, s’est sensiblement compliqué. Déjà, nous n’avons pu travailler qu’à partir des seules Lyonnaises. Ensuite, il a fallu estimer l’année de naissance en fonction de l’âge indiqué et de l’année de recensement. Etant données les remarques déjà formulées au sujet de la véracité des âges déclarés par les filles publiques, on ne fut guère étonné de ne retrouver que 45 actes de naissance, depuis la Révolution jusqu’à 1830. Nous livrons les résultats suivants, simplement dans le but de donner un aperçu même grossier des origines sociales des prostituées lyonnaises.

Comme les données sont peu nombreuses, nous considérons d’un même mouvement les professions des deux parents. Près de la moitié (21) étaient des ouvriers ou des ouvriers/artisans. S’ajoutaient deux fonctionnaires, un soldat, quatre employés et, surtout, quatorze membres de professions ayant davantage de poids social : marchands, commerçants et fabricants (dix déclarèrent appartenir à cette dernière catégorie). En se basant sur le seul statut social, parfois trompeur, les parents des filles publiques ne paraissaient pas être pauvres parmi les plus pauvres. Les ouvriers/artisans appartenaient à l’échoppe et à l’atelier prospères de la ville, exerçaient des professions qualifiées (cordonnier, serrurier…). Les professions des témoins recoupent celles des parents : 30 ouvriers/artisans pour sept employés, douze commerçants et marchands et autant de fabricants et négociants. Evidemment, au-delà de ces cas nombreux et surprenants, de la misère sociale est immédiatement perceptible lorsque les parents se disaient être sans profession, domestiques ou ouvriers sans qualification. On relativisera encore ces naissances en milieu modeste – si ce n’est prospère – en mentionnant que le tiers de ces prostituées étaient nées de filles mères (12 cas) ou furent abandonnées (4 cas). Un peu plus tard, en 1860 et 1864, mais sur 812 filles cette fois ci, 91,5% étaient légitimes, 6% naturelles et 2,5% abandonnées 1373 . Il ne fut donc pas toujours question ni de déclassement brutal ni d’appartenance à des milieux ultra paupérisés ; mais est-il nécessaire d’avoir côtoyé la misère sociale durant son enfance pour devenir prostituée ?

Notes
1373.

M. J. MARMY, Ferdinand QUESNOY, Hygiène…, op. cit., pp. 356-357.