1 - Manifestations d’un désamour

Nous avons mentionné, en étudiant la police lyonnaise, les critiques que le pouvoir adressait fréquemment à ses agents ; incapables ou concussionnaires, ils étaient un frein à la bonne application du quadrillage. Mais leurs supérieurs n’étaient pas les seuls à s’en plaindre et, s’ils ne remplissaient pas convenablement leurs fonctions, il est logique que les administrés eussent quelques réclamations à formuler. Les plaintes populaires rejoignaient parfois celles du pouvoir – notamment lorsqu’il était question de policiers « pourris » – mais concernaient aussi des aspects tout à fait réguliers du travail policier. Précisons que ces plaintes ne témoignent pas d’un moment particulier de l’histoire de la ville : elles furent aussi bien écrites en 1810, 1850 ou 1880.

Brossons un portrait général de cette police décriée en partant d’une plainte anonyme de la fin des années 1870. Etaient alors dénoncés un secrétaire de police retors et antipathique, un agent communiste, un inspecteur des garnis révolutionnaire et concussionnaire, un inspecteur de la sûreté alcoolique, libertin et voleur 1460 . Toutes ces critiques étaient-elles inventées de toutes pièces ? Peu importe : formant un inventaire des possibles, elles s’enracinaient dans une vérité ou – tout au moins – dans une croyance populaire en une police défaillante. Attaquer la police sur sa probité et son efficacité n’était pas un coup d’épée dans l’eau. L’enquête menée par le pouvoir montra que certaines assertions étaient justes, que d’autres étaient fabriquées à partir d’éléments véridiques – signe que l’idée d’une mauvaise police était un terreau fertile pour l’imaginaire populaire. Voyons à présent le détail de l’ensemble des griefs.

Notes
1460.

ADR, 4 M 379, Lettre anonyme adressée au préfet du Rhône, sd [1878].