‘«’ ‘ La population se plaint 1° de la lenteur apportée à l’expédition des affaires, 2° du nombre considérable de procès-verbaux dressés contr’elle [sic], 3° des tracasseries dont elle se voit l’objet sans nécessité ’». Ainsi débutait par ce constat sans appel un rapport rédigé au sujet de la police municipale. Et de continuer : ‘«’ ‘ La population se plaint surtout d’être poursuivie sans avertissement préalable, sans que les contraventions lui soient déclarées. Elle se plaint aussi d’être mal accueillie et de ne pas être admise à présenter ses réclamations même lorsqu’elles sont justes’ 1461 ». Il est vrai que certains pouvaient avoir la fâcheuse impression de n’être jamais écoutés, notamment celles et ceux qui ne jouissaient pas de la meilleure des réputations. Un commissaire n’accorda que peu d’attention au récit d’une femme qui se serait fait attaquer dans la rue Saint Barthélemy ; il classa l’affaire sous prétexte que ‘«’ ‘ […] cette femme naguère partit de chez elle avec un ouvrier et resta plus de vingt jours absente [et] que […] sa réputation [était] qu’elle aim[ait] à boire’ ‘ 1462 ’ ‘ ’». Et quand bien même un commissaire ferait suivre, les demandes ne reviendraient jamais, passant de bureau en bureau et les sollicitations des plus pauvres – cherchant à obtenir des secours – seraient examinées après un laps de temps beaucoup trop long. Enfin, les Lyonnais faisaient les frais au quotidien des dysfonctionnements de la police et des luttes intestines. L’opposition entre la gendarmerie et la municipalité se doublait d’une méconnaissance réciproque des décisions et des droits des uns et des autres. Dans les années 1830, un individu avait reçu du maire de Lyon une permission pour organiser des jeux et divertissements pour la fête de Saint Clair. Le jour venu, deux gendarmes l’interpellèrent – ils n’étaient pas au courant que des autorisations avaient été accordées et ne leur prêtèrent, du reste, aucune attention 1463 .
Au-delà de ces exemples divers, une plainte était réitérée sans cesse, cristallisant tous les mécontentements : celle de l’inefficacité de la police lyonnaise. Elle prit de l’ampleur dans les années 1820, au moment d’une recrudescence des vols domestiques. Un rapport anonyme de 1824 indiquait que ‘«’ ‘ La fréquence des vols à l’aide de fausses clés […] excit[ait] de toutes parts des plaintes contre l’exercice de la police de Lyon’ ‘ 1464 ’ ‘ ’». En 1832, le maire lui-même avouait : ‘«’ ‘ On se plaint chaque jour de l’inactivité de la police et qu’elle ne réprime ni délits ni contraventions, trop souvent plusieurs de ces plaintes sont fondées […]’ ‘ 1465 ’ ‘ ’». Ce sempiternel reproche fut répétée à chaque décennie à tel point qu’il devint une idée partagée par tous et reprise, comme une vérité, par la presse lyonnaise au moins jusqu’à la fin du siècle. La population ne comprenait pas pourquoi les bandes de malfaiteurs n’étaient pas arrêtées alors qu’elle était continûment en butte à la police et l’administration au sujet de ce qui était pour elle des broutilles (portes d’allées ouvertes, entorses aux règlements de la voirie, etc.). Les plaintes des Lyonnais se concentraient moins sur ce que la police ne faisait pas que sur ce qu’elle faisait… à leur encontre.
ADR, 4 M 3, Rapport du chef de la 3ème division au sujet de la police municipale, 16/02/1853. Le 23 août de la même année, le secrétaire général pour la police émettait les mêmes critiques (AML, I1 1).
ADR, 4 M 190, Rapport du commissaire de police de Fourvières au préfet du Rhône, 05/01/1829.
ADR, 4 M 159, Lettre de Sauniez au maire de Lyon, sd [années 1830].
ADR, 4 M 2, Rapport adressé au maire de Lyon, sa, 17/04/1824. Trois semaines plus tard, il était question « […] des plaintes universelles qui s’élèvent contre la police de cette ville à raison des vols qui ne cessent de s’y commettre avec impunité ». Id., Lettre de [?] au maire de Lyon, 06/05/1824.
ADR, 4 M 159, Lettre du maire de Lyon au préfet du Rhône, 31/03/1832.