2 - « Ils n’aiment pas la police parce qu’elle est constamment en contact avec eux 1499  »

Un constat : ‘«’ ‘ Tous les jours, les agens [sic] de l’autorité et même les fonctionnaires publics éprouvent des oppositions plus ou moins graves dans l’exercice de leurs fonctions ; il est évident que ces oppositions […] viennent de la fausse idée que ce font plusieurs personnes des vrais principes de la liberté et d’une crainte vague que les dépositaires de l’autorité n’agissent arbitrairement’ ‘ 1500 ’ ‘ ’». Puis une illustration : ‘«’ ‘ Tiens qui es-tu donc toi ? Je suis agent de police […]. Aussitôt les quatre camarades de celui auquel il [l’agent] s’était adressé s’élancèrent sur lui et le frappèrent à coups de pied et à coups de cannes’ ‘ 1501 ’ ‘ ’».

Habitué aux discours d’une histoire politique évoquant les affrontements révolutionnaires, on aurait tendance à fixer l’opposition peuple/forces de l’ordre sur l’événement – grève, révolte, révolution – alors que l’essentiel de cet affrontement se jouait au jour le jour. Les policiers, agents d’éducation et de répression du pouvoir, arpentaient le territoire urbain à longueur d’année et rencontraient les hommes et les femmes du peuple qui continuaient à appliquer leurs propres normes. Le décalage entre leur système de gestion du social et celui du pouvoir entraînait, nous l’avons vu, des désaccords et des incompréhensions qui se traduisaient, concrètement, par des oppositions de terrain. Le policier devait faire appliquer des normes et les inculquer au peuple – par l’exemple ou la punition ; ce dernier, de son côté, pouvait les refuser et souhaiter qu’on le laissât vivre comme il l’entendait. A cela s’ajoutaient tous les griefs que nous venons de passer en revue et qui alimentaient un désamour entre les Lyonnais et leur police – ce qui prédisposait à l’affrontement. Il faut d’emblée préciser que cet affrontement opposait principalement la population et les agents ; les commissaires et autres responsables de la police étaient moins souvent visés parce qu’ils étaient moins présents sur le terrain et, surtout, parce qu’ils exerçaient une activité moins axée sur la répression. L’agent, lui, était d’abord dans les rues pour faire respecter la loi et nous avons pu comprendre qu’il était peu à même de construire son travail sur l’échange, la compréhension et la recherche d’un modus vivendi ; beaucoup plus terre-à-terre que ses supérieurs, il se donnait d’abord pour but de faire appliquer, coûte que coûte, la loi – ce qui, là encore, n’était pas fait pour contenter un peuple qui prenait sa présence pour de l’ingérence et faisait preuve de solidarité dans l’affrontement.

Notes
1499.

ADR, 4 M 2, Rapport du commissaire de police du Palais des Arts au préfet du Rhône, 17/09/1826, à propos des ouvriers du quartier.

1500.

Id., Lettre du maire de Lyon au préfet du Rhône, 08/10/1833. Un semblable discours était tenu au début comme à la fin du siècle. Cf. AML, I1 114, Rapport du commissaire central au ministre de l’Intérieur, 05/02/1820 et ADR, 4 M 18, Lettre du commissaire spécial de la sûreté au secrétaire général pour la police, 06/06/1878.

1501.

ADR, 4 M 195, Lettre du commissaire spécial au préfet du Rhône, 24/06/1839.