2 - Le juge et l’assassin

Les dossiers d’assises regorgent d’interrogatoires qui enivrent le chercheur peu habitué à se trouver confronté à une série aussi homogène. Nous avons lu cent dossiers d’instruction choisis entre 1815 et 1880. Ecartant les affaires touchant le monde rural, nous avons gardé celles mettant en lumière des citadins coupables de vols (34%), de crimes de sang (18%), d’atteintes aux mœurs (38%), de cris séditieux (10%). Tous les prévenus interrogés finirent devant la cour d’assises mais tout de même 30% furent acquittés ou bénéficièrent d’un non-lieu. Il ne faut donc pas oublier que nous n’avons pas forcément affaire à des criminels.

Entamant la lecture des interrogatoires menés par le juge d’instruction, l’espoir était grand, mais la déception l’est aujourd’hui tout autant. Nous ne sommes qu’imparfaitement parvenus à exploiter les documents. Peut-être, justement, à cause de l’aspect mécanique et sériel d’interrogatoires tous coulés dans le même moule. Au cours des interrogatoires, moments de « mise à l’épreuve » et « d’affrontement psychologique » 1587 , le juge comme le prévenu déployaient leur(s) tactique(s). A leur propos, on ne note ni évolution temporelle ni différences notables entre les individus. Chaque juge travaillait de la même manière que ses collègues et les prévenus répondaient tous plus ou moins la même chose – il faut dire qu’ils étaient tributaires des questions qui leur étaient posées. Et celles-ci étaient toujours les mêmes.

Notes
1587.

Annick TILLIER, Des criminelles…, op. cit., p. 71.