ANNEXES

Annexe n°1 :
Bases de données :

Pour les constituer, nous avons utilisé le logiciel File Maker Pro 5 – comme la plupart des doctorants lyonnais. Ce n’est pas – et de loin – le meilleur mais il présente l’intérêt indéniable d’une relative simplicité de fonctionnement. Les bases présentées ci-après témoignent cependant d’une utilisation artisanale puisque nous n’avons jamais bénéficié d’une formation informatique. Comme beaucoup, nous avons découvert File Maker au début de note recherche et l’avons peu à peu maîtrisé à force de l’utiliser et de partager nos expériences avec d’autres étudiants.

Toutefois, ce ne sont pas les aptitudes informatiques de l’historien qui l’aident à résoudre la première et principale question de son travail : comment sélectionner son échantillon ? Nous avons quelquefois saisi tous les individus possibles – souvent parce que la source était lacunaire. La plupart du temps nous avons opéré par sondage en fonction de la qualité des documents et des informations, en fonction également de l’espace urbain et des dates. Les cohortes retenues sont-elles, au bout du compte, suffisamment fournies ? Eternelle question – on sait très bien, sans se l’avouer, que, généralement, au bout de cinquante fiches entrées dans une base, on a déjà une idée assez précise de ce qu’il sera intéressant de tirer de l’analyse. ‘«’ ‘ Si on tamise à l’eau dix seaux de sédiment avec une maille suffisamment fine, on récoltera peut-être les os de dix ou quinze mammifères ; si on en tamise cent, on accroîtra ce nombre de deux ou trois ; et si on en tamise mille, peut-être de un ou pas du tout ; et si on réduit la maille du tamis, les résultats ne changeront guère. [Seul compte le travail sur] Les méthodes d’évaluation de la pertinence de l’échantillon […]’ ‘ 1708 ’ ‘ ’».

Nous nous bornons ici à livrer au lecteur le modèle de la base (c’est-à-dire le cache construit au préalable et permettant de créer ensuite des fiches). Chaque base a été construite à partir de tous les éléments donnés par les archives. En ce sens, elles sont programmées pour recevoir les données de documents idéals puisque toujours bien renseignés ; malheureusement, la plupart du temps, beaucoup de rubriques doivent rester vides. Enfin, il faut remarquer que si une base de données est d’abord destinée à produire du quantitatif, elle comporte toujours une case « observation » autorisant le récit.

  1. Enquête sur des femmes soupçonnées de se livrer à la prostitution. Cette base de données fut réalisée à partir de 43 enquêtes menées dans les années 1860 par des policiers qui avaient pour mission de prouver l’honnêteté ou la flétrissure de femmes que l’autorité soupçonnait de s’adonner à la prostitution (AML, 985 WP 19 et 1122 WP 1). Les enquêtes furent rédigées à la hâte sur de petits papiers – parfois les unes à la suite des autres ; leur état de conservation est très correct. On ignore pourquoi elles ont été archivées sous deux cotes différentes. Outre de nous livrer le profil de ces femmes, le traitement informatique permet de cibler les critères d’une bonne réputation par une étude classique du vocabulaire et de ses récurrences. Par ailleurs, tout ce qui se rapportait à l’état matrimonial, à la réputation familiale et au logement était suffisamment bien renseigné pour être détaillé. Enfin, il était intéressant de s’attacher au regard policier – puisque eux seuls décidaient de l’interprétation qu’il convenait de faire des témoignages du voisinage.
  2. Prostituées. Si cette base de 1 240 fiches a été d’abord constituée à partir des registres des archives municipales, elle a été complétée au fil du dépouillement (voir l’inventaire des sources pour plus de détails) ; mais il fallait impérativement posséder de nombreux renseignements sur une fille pour ajouter une fiche à son nom. En effet, le parcours et la mobilité des prostituées nous intéressaient avant tout. Nous avons ailleurs décrit la difficulté de retrouver la réalité du phénomène prostitutionnel : il est rare de posséder un profil complet. C’est pourtant ce que nous livrent les registres des AML – certes confusément tant ils furent mal tenus (c’est pour cela que la base comporte de nombreux repères temporels afin de croiser les dates disponibles et établir la réalité – même approximative – de chaque suivi). Nous avons tout de même pu, grâce à eux, reconstituer des parcours sur quelques mois ou quelques années (ont ainsi pu être quantifiés les types de déplacements dans et hors de Lyon). Grâce cette fois aux registres de l’Antiquaille, l’accent put être mis sur les passages répétés de ces femmes à l’hospice. Des rubriques automatiques ont servi à calculer l’âge des filles ainsi que diverses moyennes – essentiellement à partir des durées (en jours) que nous avions établies au préalable.
  3. Maîtres et maîtresses. Cette petite base de 149 fiches avait pour but de noter les maisons de tolérance que nous pouvions rencontrer au gré du dépouillement. Il s’agit uniquement de recenser tous les profils disponibles sans opérer de travail particulier sur les archives mais simplement dans le but de connaître le nombre de maisons répertoriées par l’administration ainsi que leur répartition dans l’espace lyonnais.
  4. Vagabonds. Les 726 fiches de cette base permettent de saisir la réalité du vagabondage. Elle fut réalisée à partir d’un recensement exhaustif des registres d’audience du Petit Parquet – documents bien conservés et détaillés mais uniquement disponibles pour les années 1859-1863 (AML, I3 32-33). Relevant de la police judiciaire, ils étaient rédigés de manière homogène ; il est ainsi rare de manquer d’informations au sujet d’un individu. Seuls les parcours de vie de chacun pouvaient être plus ou moins fournis. On peut donc connaître facilement l’état-civil des gens arrêté pour vagabondage de même que les détails de leur arrestation. On peut surtout mettre en parallèle les états constitutifs du vagabondage (être sans travail, sans domicile et sans moyens d’existence) et la réalité des parcours rapportés ; rapport que devait opérer le parquet au vu des fréquentes mises en liberté décidées à l’audience. Au détour de la retranscription du vécu, on relève les individus qui ont croisé la route de ces déclassés et qui ont pu les aider ou les rejeter : la base de données permet de les catégoriser et d’en apprécier l’impact.
  5. Arrestations. 1 562 arrestations ont été recensées dans cette base de données afin de mieux connaître un aspect du travail policier – mais on notera qu’elle pourrait également servir à un travail portant sur les prévenus. Elle a été construite à partir de registres d’arrestations effectuées dans un seul et même arrondissement de police (vraisemblablement celui du Collège, AML, I1 123, 1847-1854). Leur qualité est plutôt médiocre – la reliure empêchant parfois de lire certains renseignements. Nous ne pouvions saisir l’ensemble du registre et avons éliminé une année sur deux, ne prenant en compte que 1848, 1850, 1852 et 1854.
  6. Logeurs. Un travail d’envergure fut entrepris – avec l’aide de Carlos Carracedo – afin de recenser un maximum de logeurs de la ville de Lyon. Au résultat, quelques 5 000 fiches furent intégrées (AML, I1 235, Relevé des logeurs, Célestins (1840-1842) ; I1 236, Relevé des logeurs, Villeroy (1840-1842) ; I1 237, Relevé des logeurs, Collège (1840) ; I1 238, Relevé des logeurs, Hôtel-Dieu (1850) ; I1 240, Relevé des logeurs, cabaretiers et cafetiers (1823-1826) ; I1 241, Relevé des hôtels, maisons meublées, etc., Célestins (1846-1855) ; I1 251, Maison publique, personnel (1835-1836) ; 3 WP 122, Croix Rousse (1830)). Et encore, tous les registres ne furent-ils pas dépouillés puisque nous opérâmes par sondages – ce qui était nécessaire, non seulement au vu de la masse de documents disponibles, mais aussi du fait de la médiocrité de la tenue de certains registres. La base de données donne un aperçu de la précision des informations (étage, position sur la rue, nombre de pièces ou de lits).
  7. Interrogatoires du Bureau central. Les cent premières affaires de ce registre fort bien conservé (AML, I3 6, 1797-1798) furent quantifiées afin d’introduire notre étude, davantage qualitative, sur la confrontation juge d’instruction/prévenu. Il s’agissait de donner un aperçu des techniques de défense employées par les accusés. Les types de défense étaient suffisamment stéréotypés pour être intégrés à un menu déroulant combinant tous les rapports possibles entre l’aveu, la négation et la justification. Les profils étaient bien renseignés, ce qui permit de les comparer aux défenses choisies ; une semblable comparaison fut entreprise avec les différents délits.
  8. Suppliques. 283 suppliques retrouvées dans de très nombreux cartons d’archives (cf. inventaire) ont été intégrées à cette base de données – qui s’intéresse aussi bien à ce que dit le document qu’au document en lui-même. En effet, nous avons choisi de travailler sur le support, l’écriture, la langue et le discours. Il ne s’agit donc pas d’une base facilitant la recension d’un phénomène mais bien d’une base prenant un corpus à bras le corps et essayant d’en retirer ce qui paraît essentiel en regard d’un questionnement précis. On comprend également que la base de données ne se construit qu’après avoir acquis une bonne connaissance des archives – ce qui permet d’élaborer des choix multiples (cercles d’options en ce qui concerne l’écriture, cases à cocher des rubriques « Thématiques »). Mais le temps imparti fait que, la plupart du temps, nous avons eu tendance à entrer un maximum de fiches sans toujours suffisamment réfléchir à une future utilisation ; au final, les bases continuent d’évoluer et sont parfois totalement refondues quand arrive le moment de leur exploitation…
  9. Actes administratifs. Complétant la base des arrestations, les Actes administratifs furent un autre moyen d’approcher le travail policier (AML, I1 130 (1840-1861), 132 (1840-1844), 134 (1840-1849) : Actes administratifs des commissaires de police des Célestins, de Villeroy et du Collège). Là encore, l’informatique ne fut rien d’autre qu’un moyen efficace de recenser le plus grand nombre de fiches (ici 982) en un minimum de temps – travail d’autant plus aisé que les actes administratifs ne sont que de quatre types. Il suffit alors de créer pour chacun un menu déroulant où viennent s’ajouter au besoin les intitulés exacts des délits. Comme souvent, notre sondage a cherché à mêler les quartiers disponibles (tous ici situés au cœur de la Presqu’île) ; nous avons également opéré des coups de sonde sur une période de plusieurs années (quinze en l’occurrence, depuis 1846 jusqu’à 1861, à raison d’un sondage tous les cinq ans sur les 200 premiers actes – sauf pour 1841 car seulement 182 furent établis cette année là).
  10. Actes judiciaires. 972 actes judiciaires ont été traités par informatique (AML, I3 10 (1831-1838), 11 (1835-1837), 14 (1840-1848), 17 (1840-1849), 20 (1843-1845), 23 (1849-1854), 27 (1853-1855), 28 (1854) : Actes judiciaires des commissaires de police de l’Hôtel Dieu, Pierre Scize, La Guillotière, Palais des Arts, Villeroy, Collège, Palais des Arts et Perrache). Tous les registres d’actes n’ont pas été pris en compte – ils sont trop nombreux et de qualité trop inégale ; nous avons souhaité opérer un sondage qui prenne en compte différents quartiers et différentes années pour un suivi sur 20 ans (1833-1834-1835, 1843-1844-1845 et 1853-1854-1855). L’intérêt de la base est double : quantifier le travail policier (en complément des bases « Arrestations » et « Actes administratifs ») ainsi que les agressions. Sur ce dernier point, on saisit toute l’importance des choix multiples dans le travail informatique de quantification.
  11. Commissaires de police. Cette base n’a pas été élaborée à partir d’une source précise mais fut remplie au gré de nos découvertes : à chaque dossier de commissaire de police, à chaque enquête réalisée sur ses fonctionnaires nous pouvions soit créer des fiches soit en compléter. 175 commissaires ont ainsi été recensés mais nous ne possédons pas d’informations poussées pour tous. L’intérêt de la base de données n’est pas ici de simplement répertorier des informations et de dresser des profils ; il s’agit avant tout de recréer des carrières en ciblant les différents postes attribués à tel commissaire et en calculant les durées pour chacun de ces postes et pour l’ensemble d’une carrière.
  12. Actes de notoriété. Ils permettent de reconstituer un fragment d’un réseau de relations (ADR, 7 Up 176 (1875), 177 (1875), 205 (1876), 206 (1876), 245 (1877), 246 (1877), 207 (1878) : Justice de paix du 7ème arrondissement judiciaire de Lyon : Actes. 7 Up 797 (1863), 798 (1864), 799 (1865), 800 (1866), 801 (1867), 802 (1868), 803 (1869), 804 (1870), 805 (1871), 806 (1873), 807 (1874), 808 (1875), 809 (1876), 810 (1877), 811 (1878), 812 (1879), 813 (1880) : Justice de paix du 8ème arrondissement judiciaire de Lyon : Actes). Seuls ces deux arrondissements étaient à même de nous satisfaire par leur durée et leur nombre d’actes. Certains actes demandant parfois la présence de sept témoins (ce que nous n’apprîmes qu’en cours de traitement – d’où les huit cases de témoins ne correspondant à rien d’autre qu’à une précaution initiale), on comprend les difficultés que nous rencontrâmes dans l’élaboration de la base ainsi et surtout que dans son traitement. Nous voyons là nos propres limites dans l’utilisation du logiciel. Comment traiter simplement 348 actes correspondant à 1 462 témoins ? Nous avons dû créer une dominante permettant de saisir la tendance de chaque fiche (aspect global du réseau : les témoins sont-ils proches du référent et, si oui, est-ce par l’âge, la profession, le domicile… ?) ; pour une étude détaillée, nous dûmes répéter l’opération case de témoin par case de témoin (soit huit fois). Ce n’est certainement pas la meilleure façon de procéder – même si, au final, la perte de temps fut minime (le principal étant bien de créer au moment de la saisie les cercles d’options).
  13. Tribunal correctionnel. Une autre source pour étudier les réseaux de relations : les témoins du tribunal correctionnel (seulement disponibles dans les registres du 1er Empire, cf. ADR, UCor 4-9, 1804-1809). Au départ, nous avons créé une première base de 214 fiches à partir de laquelle nous avons construit deux autres bases, l’une quantifiant des réseaux donc, et l’autre des agressions. Si la base initiale correspondait à 214 affaires – comprenant les plaignants et les accusés – celle utilisée dans le cadre de l’étude des réseaux fut bâtie à partir des individus présentant des témoins (soit des fiches distinctes pour les accusés et pour les plaignants). Au bout du compte, elle contient 317 fiches pour 1 293 témoins. Le comptage fut plus facile que pour les actes de notoriété, même si nous avons gardé la même logique en notant la dominante de chaque fiche puis le détail. Cette fois-ci, à partir des informations concernant les témoins, nous avons comptabilisé les liens par fiche (0, 1, 2, etc., liens) – ce qui permettait de calculer des totaux et des moyennes. Peut-être aurions-nous dû faire de même pour les actes de notoriété mais à notre niveau – où tout est bricolage – on ne s’aperçoit de ses erreurs qu’après les avoir commises.
  14. Tribunal correctionnel. La seconde base réalisée à partir des 214 affaires passées devant le tribunal correctionnel servit à quantifier l’agression : qui s’en prenait à qui ? 140 fiches permettent de saisir les logiques sociales de la violence (car les sur les 214 affaires, quelques-unes concernaient, par exemple, des vols). Chaque fiche regroupe l’accusation (189 individus) et la défense (243) ; pour le reste, nous avons effectué les mêmes comptages que pour les réseaux de relations : le nombre de liens étant reportés dans les cases prévues à cet effet et les résultats globaux étant délivrés par l’ordinateur.
Liste des abréviations les plus fréquemment utilisées dans les bases de données :
p = père m = mère
prof = profession ln = lieu de naissance
dn = département de naissance dom = domicile
dl = département limitrophe exe = exerce
nb = nombre obs = observation
fp = fille publique rec = recensement
sme = sans moyen d’existence sp = sans papiers
nsp = ne sait pas h = homme
f = femme com/inc = enquête commodo/incommodo
arrdt = arrondissement vag = vagabondage
mend = mendicité pn = première nomination
q = quartier n = nomination
cess = cessation d’activité dt = durée totale
dpt = département comp = comparution
déf = défaut ind = indice
pb proc = problème de procédure de 5 à 10/de 10 à 20/sup à 20 = écarts d’âge constatéscland = clandestine
reg = régulière  
Notes
1708.

Jean CLOTTES, « Phénomène… », art. cit., p. 383.