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MAIRIE DE LA VILLE DE LYON.

Mes Chers Concitoyens !

C’est le cœur navré de douleur que je me vois appelé à reprendre la direction de l’Administration municipale. Que d’événemens funestes, que de maux inouis ont fondu sur nous ! La seconde ville du royaume, la capitale du Midi, Lyon, que toute la France se plaisait à nommer la Cité-Modèle, a été le théâtre des désordres les plus effrayans ! ! !

Je cherche à me persuader qu’aucune main lyonnaise n’a trempé dans les crimes que signale la rumeur publique ; mais la Loi n’a-t-elle pas été méconnue ? Ses organes n’ont-ils pas été violemment attaqués ? La population entière a-t-elle fait ce qu’elle devait pour prévenir de pareils attentats ?

J’éprouve néanmoins quelque soulagement en apprenant que l’amour de l’ordre a remplacé aussitôt la violation des lois. Lyonnais ! vos Pères sont morts en combattant l’anarchie ; vous vous étiez toujours montrés dignes d’eux ! qui vous a fait oublier tant de traditions honorables ? De perfides conseils ont seuls pu égarer un grand nombre d’entre vous ; mais votre probité si connue a suffi pour fermer l’abîme qu’ils avaient ouvert sous vos pas.

Ouvriers en soie ! le bénéfice de toute fabrique est essentiellement lié au maintien de l’Ordre public. La paix allait augmenter la masse du travail, et vos salaires se fussent accrus au-delà même de vos espérances. Le trouble, qui a été jeté dans notre ville, a tout compromis ; il arrête les demandes ; il éloigne les acheteurs ; ils sert de cette façon et à votre insu la rivalité des Fabriques étrangères.

Ouvriers de toutes les professions ! vous tous êtes également intéressés à la prospérité de nos manufactures de soieries : car ce sont elles qui donnent de la valeur à notre sol, à nos habitations, à tous les produits du travail. Laborieux, économes, intelligens, tels que vous l’êtes, comment n’avez-vous pas senti la nécessité de maintenir l’édifice sacré des Lois ?

Honoré jusqu’ici de votre confiance, ma voix cesserait-elle aujourd’hui d’être entendue de vous ! Ouvriers de toutes les classes, hâtez-vous, je vous en conjure, de revenir à vos travaux habituels. Déjà vous avez commencé à remettre des armes que la Loi ne vous avait point confiées ; que cette remise se continue sans relâche, et vous aurez fait un grand acte de patriotisme, en ôtant tout prétexte aux divisions intestines.

Plusieurs d’entre vous se sont réunis près de moi, et nous allons porter à l’Héritier du trône des paroles de regrets et de repentir. J’espère que ces paroles seront favorablement écoutées d’un Prince dont vous connaissez toute la bonté. Vos Magistrats ne négligeront rien pour qu’une grande part soit faite et à votre détresse et aux passions qu’elle a déchaînées ; la Loi réservera ses rigueurs pour des crimes faits pour une autre époque, et pour d’autres contrées.

Que les citoyens paisibles se rassurent ! Nos larmes couleront long-temps, mais nos malheurs ont atteint leur terme ; la tristesse générale exprime suffisamment nos regrets, et nous pouvons penser que toute récidive est impossible désormais.

Fait à Lyon, le 1er décembre 1831 ;

Le Maire de la ville de Lyon, Membre de la Chambre des Députés,

PRUNELLE.