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MONSEIGNEUR !

Il n’y a guère plus d’une année que, dans ces mêmes lieux, des cris d’allégresse et d’amour retentissaient de toutes parts à votre approche.

Nos sentimens sont loin d’être changés ; et cependant la tristesse est empreinte sur nos visages ; l’affliction opprime nos cœurs.

Quelle différence, grand Dieu ! VOTRE ALTESSE ROYALE visitait, il y a un an, une ville pure d’innocence, une ville vierge de toue faute ! VOTRE ALTESSE lui accordait la plus douce des récompenses. Aujourd’hui, une bienveillance sans exemple vous conduit dans une Ville coupable, et nous n’avons à vous présenter que les larmes du repentir, et l’hommage d’une reconnaissance profonde. Nous ne conduirons plus Votre Altesse Royale à des fêtes qui ne sauraient exister pour nous ; vous ne viendrez plus admirer cette Garde nationale, autrefois notre orgueil. Elle est dissoute ; et ce qui comble l’énormité de la peine, c’est que personne ici n’ose en blâmer l’application.

Que Votre Altesse Royale veuille bien permettre cependant aux Magistrats de la Cité de ne pas accepter, pour elle seule, toute l’étendue de la faute, il est vrai qu’une partie de la population a violemment outragé les Lois ; qu’une autre n’a pas su les défendre ; mais une troisième portion a versé largement et trop inutilement son sang pour les maintenir. Il est vrai qu’une multitude égarée a été entraînée, par son inexpérience, aux plus graves attentats ; mais bientôt le prenant en horreur, elle a senti le besoin de l’ordre ; et l’a spontanément rétabli.

Les faits parleront haut, Monseigneur, ils montreront les vrais coupables, et nous conservons l’espérance qu’ils se trouveront ailleurs que parmi nous.

[Discours du maire de Lyon au Duc d’Orléans, 03/12/1831]

MONSIEUR LE MAIRE

Je ne puis vous témoigner de quelle profonde tristesse mon cœur est pénétré en rentrant aujourd’hui dans la seconde ville du Royaume, après les sanglans désordres et les coupables excès dont elle a été le théâtre et la victime. Je me rappelle avoir vu, il y a un an, la population Lyonnaise manifester les sentimens les plus vifs d’amour de l’ordre et d’attachement aux institutions et au gouvernement que la révolution de juillet a fondé en France. C’est ce souvenir, c’est l’espoir que ces sentimens n’étaient point effacés, ce sont les liens qui m’uniront toujours à la Ville de Lyon, qui m’ont décidé, aux premières nouvelles des troubles, qui l’ont affligée, à tout quitter pour venir faire cesser cette effusion de sang français que je ne cesserai de déplorer. J’ai voulu aussi, d’accord avec l’illustre Maréchal qui m’accompagne, contribuer de tous mes efforts à rétablir, dans toute sa plénitude, l’ordre légal là où il avait cessé d’exister, et à faire respecter l’autorité des lois qu’une partie de la population avait violemment méconnue, mais qu’une autre avait si vaillamment su défendre. Tels sont les sentimens qui m’animent : je suis venu, non pour chercher des coupables, c’est le devoir de la justice, mais comme pacificateur, mais pour rappeler à des Français égarés quels sont leurs devoirs ; et aussi, j’ose le dire, quel est leur véritable intérêt. Aujourd’hui, cette tâche est remplie, et j’en commence une autre bien plus douce à mon cœur : celle d’apporter tous les soulagements possible au sort des classes ouvrières de la ville de Lyon, dont le Roi mon père m’a ordonné de m’occuper avec sollicitude.

Puissent-elles comprendre, par le terrible exemple qu’elles ont sous les yeux, que ce n’est que dans la protection de la loi accorde à ceux qui la respectent, qu’elles peuvent trouver leur bien être. C’est par un repentir sincère, par une soumission sans réserve, que la population de cette industrieuse cité pourra me mettre à même de lui faire voir que j’ai non-seulement les sentimens d’un bon Français, d’un citoyen sincèrement dévoué à son pays et à nos intérêts, mais aussi d’un bon LYONNAIS.

[Réponse du Duc]