1- Définition(s) du terme bibliographie

Quel que soit le genre qu’on accorde à la bibliographie, science, art ou technique, elle est nécessairement seconde par rapport au livre ou l’écrit en général. Le terme « bibliographie » vient du grec biblion=livre et graphein=écrire. Ce terme est employé postérieurement à l’apparition de l’objet qu’il désigne : le répertoire de livres qui, d’après Louise-Noëlle Malclés, vit le jour sous sa forme imprimée en 1494, et qu’on appela jusqu’alors, Bibliotheca, Catalogue ou Index. Or, la dénomination « bibliographie » n’a été attribuée à un répertoire qu’en 1633 en France par Gabriel Naudé, secrétaire et bibliothécaire du cardinal Mazarin 10 .

En effet, jusqu'à la fin de XIXe siècle, le terme bibliographie désignait de façon générale la connaissance du livre considéré surtout sous son aspect matériel. L’Académie française dans la quatrième édition de son dictionnaire paru en 1762, définissait la bibliographie comme «  la science du bibliographe » et le bibliographe comme le «  nom que l’on donne à ceux qui déchiffrent les anciens manuscrits et qui sont versés dans la connaissance de tous les livres tant imprimés que manuscrits » 11 . La bibliographie dans cette définition se réfère à l’art typographique, aux livres, à leur histoire et à leur valeur. Dans cet esprit, la bibliographie prend le sens de science du livre et non pas l’objet d’un répertoire de livres.

En 1812, la conception de la bibliographie bascule sous l’impulsion de Gabriel Peignot, bibliothécaire et bibliophile, qui est «   le premier à nommer la science du livre : bibliologie et faire de la bibliographie l’une de ses branches, celle qui s’occupe des répertoires de livres » 12 .

Cependant, la définition de la bibliographie comme « bibliologie : science du livre » est utilisé jusqu’à présent surtout dans les pays anglo-saxons. Dans les pays francophones, le terme « bibliologie » désignait, jusqu'à la fin de XIXe siècle, science du livre. Les études dans ce domaine ont pour but d’étudier le livre afin d’établir son authenticité, d’en préciser sa date et son lieu d’impression et d’examiner tous les détails qui permettent de faire la lumière sur son origine matérielle. En outre, ces études sont axées sur l’histoire notamment celle de l’écriture.

La bibliologie voit son intérêt renaître dans la première moitié de du XXe siècle grâce à Paul Otlet, qui a fait de la bibliologie une science autonome, qui s’intéresse, principalement, à la problématique de la communication des sciences. Dans son livre «  Le  traité de documentation  : le livre sur le livre » paru en 1934, il écrit :

‘« Il y a une langue commune, une logique commune, une mathématique commune. Il faut créer une bibliologie commune : art d’écrire, de publier, et de diffuser les données de la science » 13 .’

Cette conception de la bibliologie, tournée vers le futur, s’intéresse principalement à la communication des sciences afin de permettre leur essor. La bibliographie, branche disciplinaire de la bibliologie, prend donc un rôle important qui est celui d’identifier les écrits scientifiques pour en acquérir des connaissances utiles.

C’est cette utilité même que sous-entend, en l’accentuant, la définition de Charles Mortet (1897), archiviste, bibliothécaire et enseignant à l’Ecole des Chartes :

‘« La bibliographie est l’étude des répertoires dans laquelle les livres sont décrits et classés et auxquels on doit constamment recourir soit pour identifier des livres soit pour s’enquérir de ce qui a été publié sur un sujet » 14 . ’

Victor Langlois reconnaît, lui aussi, cette utilité de la bibliographie dans son «  Manuel de la bibliographie historique » (1896) en écrivant :

‘« La bibliographie est cette partie de science des livres qui traite des répertoires et qui fournit les moyens de se procurer des renseignements sur les sources » 15 . ’

Sur la base des définitions précédentes, Louise-Noëlle Malclès (1984) donne une définition plus récente de la bibliographie :

‘« La bibliographie occupe un secteur de bibliologie ou science du livre qui se propose de rechercher, signaler, décrire, et classer les documents imprimés dans le but de constituer des répertoires propres afin de faciliter le travail intellectuel » 16 .

Cette définition fait bien apparaître la double acception du mot « bibliographie » qui peut désigner une activité technique ou l’objet qui en résulte.

Peu importe la considération qu’on peut donner à cette activité : art, technique ou science, l’essentiel est qu’elle peut se pratiquer d’une façon scientifique et s’appliquer à des matières scientifiques.

Les pratiques de l’élaboration des bibliographies, répertoires des livres, ont beaucoup évolué. Au cours de cette évolution se place la problématique de la normalisation, un sujet qui est au cœur de l’actualité des évolutions des dispositifs de communication des sciences.

Notes
10.

Louise-Noëlle Malclés, Manuel de bibliographie, Paris : Presse universitaire de France, 1984.

11.

Louis-Noëlle Malclés, La bibliographie en France depuis 1762 jusqu’à la fondation de l’école nationale supérieure des bibliothécaires, Paris : Hermann, 1968, p117.

12.

Louise-Noëlle Malclés, op. cit., 1984, p 13,

13.

Paul Otlet, « Extraits du traité de documentation : le livre sur le livre », in : La pensée, n° 281, 1991, PP 66-71.

14.

Idem, p14.

15.

Caroline Durand, Bibliographie et histoire des idées : du principe d’exhaustivité à la politique de choix (1545-1810), Mémoire de DEA, Enssib, 1990, p2.

16.

Louise-Noëlle Malclés, op.cit.,1984, p 14