1- Le rôle de l’information dans l’économie

Les études sur l’économie de l’information dans les années 60 et la première moitié des années 70, qui correspondent à une période de croissance soutenue, donnent à l’information un rôle important dans l’évolution du système économique. Elles ont popularisé l’hypothèse de l’émergence d’une nouvelle société intitulée société post-industrielle ou société de l’information. Les études de Bell et Porat sont fondées sur le constat d’une importante production d’information 25 . Elles ont essayé de promouvoir une meilleure prise en compte de son rôle dans la poursuite de la croissance. Elles se sont intéressés au rôle de l’information dans les relations entre les différents agents économiques, et à son rôle sur le marché. En effet, la théorie économique classique traditionnelle suppose que tout acteur économique dispose d’une information « parfaite » sur la marchandise quand ils se rencontrent sur un marché.

Les avancées théoriques pendant ces trente dernières années, visaient à lever cette hypothèse. Elles supposent que l’information circulant dans un marché d’échange peut être partielle, que son obtention est coûteuse et que son traitement relève de la gestion de l’incertitude.

Ce courant d'analyse remonte à l'étude de Stigler (1961). Il analyse la collecte d'information sur les prix et propose une théorie sur la façon dont le consommateur se comporte sur un marché où il y a plusieurs prix inconnus. Le consommateur cherche à trouver le prix le plus bas. Et comme sa recherche a un coût, il doit forcement la limiter. Stigler propose une règle de recherche optimale d'information 26 .

Les études de F. Machulp (1984) donnent aussi un rôle important aux théories économiques des choix et des anticipations dans la situation d’informations incertaines. Pour lui la décision humaine est au cœur de la science économique et la présence (ou l’absence) de connaissance détermine d’une manière cruciale les conditions dans lesquelles sont prises les décisions. Cependant, lorsqu’il analyse le domaine de l’économie de l’information, Machulp utilise indifféremment les termes de connaissance et d’information 27 . Or le fait de distinguer information et connaissance conduit à différencier les enjeux économiques relatifs à ces deux termes. En effet, dans une économie basée sur l’information, la compétence des firmes relève, entre autres, de celle de la gestion de l’incertitude et du risque. Dans une économie fondée sur la connaissance 28 les enjeux qui conditionnent l’évolution des firmes sont liés, entre autres, à la gestion des connaissances. Cette dernière consiste à identifier, expliciter, retenir et à valoriser les ressources cognitives, les capacités d’apprentissages et les compétences que la firme détient. Les firmes sont, donc, dans l’obligation de réfléchir sur l’emploi de nouveaux dispositifs pour arriver à maximiser leur capital de connaissance.

Dans l’économie actuelle dite la « nouvelle économie » l’emploi intensif de la connaissance s’est considérablement accru. En effet, il s’agit d’une économie fondée sur la connaissance qui permet, selon Foray, «  de saisir une nouveauté qualitative dans l’organisation et la conduite de la vie économique moderne : les déterminants du succès des entreprises et des économies nationales sont plus que jamais dépendants des capacités des entreprises à produire et à utiliser des connaissances  » 29 .

Les acteurs des bases de données bibliographiques, notamment dans les domaines scientifiques et techniques, jouent un rôle important dans le développement des entreprises. Les bases de données bibliographiques sont largement utilisées dans le département de recherche et développement des entreprises à des fins d’innovation et d’invention. Actuellement, les besoins des entreprises évoluent en matière d’utilisation d’informations. L’utilisation des bases de données n’est plus l’apanage de certains départements au sien de l’entreprise, elle s’étend à tous les employés. La valorisation des connaissances produites au sein de l’entreprise crée une nouvelle demande pour des produits informationnels. Ces produits doivent intégrer les informations produites à l’intérieur de l’entreprise avec des sources d’informations externes.

L’évolution des rapports des entreprises à l’information et à la connaissance pose de nouveaux défis aux acteurs du marché des bases de données bibliographiques. Seront-ils capables de s’adapter pour répondre aux nouvelles exigences des entreprises ? Quels seront les moyens à mettre en œuvre pour y arriver ? Les analyses des stratégies d’offre des producteurs et des distributeurs des bases de données bibliographiques, dans la deuxième partie de notre travail, nous aideront à répondre à ces questions.

Notes
25.

Anne Mayère, Pour une économie de l’information, Paris : CNRS, 1990.

26.

Yves Thépaut, « L'information un bien économique paradoxal », Economie de l"information, journée d’étude organisée par adbs/enssib, le18 octobre, 1994.

27.

Anne Mayère, opcit, 1990. P 216

28.

Dominique Foray, L’économie de la connaissance, Paris, la découverte & Syros, 2000.

La connaissance pour l’auteur possède quelque chose de plus que l’information. Elle renvoie à la capacité que donne la connaissance à engendrer et à inférer de nouvelle connaissance et information. Et une économie fondée sur la connaissance est historiquement constituée à partir d’un double phénomènes : d’une part, une tendance longue relative à l’augmentation des ressources consacrées à la production et à la transmission des connaissances (éducation, formation, R&D) et d’autre part, l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

29.

Idem., p17.