2.3- L’inappropriabilité

Contrairement aux biens classiques, la vente de l’information n’implique pas forcément son appropriation exclusive par l’acheteur. Le vendeur conserve, en effet, l’information ainsi que son utilisation même après sa vente. Ceci pose un problème lié à la délimitation entre ce qui est tenu à l’écart du marché et ce qui est proposé à la vente.

Par ailleurs, il est difficile de maîtriser la diffusion de l’information et de limiter son usage à un seul acquéreur. Ceci soulève des difficultés de mettre des limites pour le respect de droit de propriété en la matière.

Tenant compte de ces caractéristiques particulières de l’information, conduit à attribuer à l’information un statut d’un bien public. Selon les néoclassiques, c’est à la collectivité d’assurer la production de l’information qui nécessite des moyens importants. Cette production ne peut être mise en œuvre par les producteurs privés du fait de l’impossibilité de maîtriser sa propriété.

Attribuer à l’information le caractère d’un bien collectif risque de dissimuler des formes d’échange existant sur un marché dont l’évolution est évidente. Toutefois, il semble y avoir un certain consensus pour considerer que cette question du statut de l’information (bien public ou bien privé), n’est pas pertinente. Certains économistes s’accordent à dire qu’aucune règle générale ne peut être formulée. Le contexte dans lequel s’inscrit un large éventail de biens et de services suppose des études particulières pour essayer d’apporter des réponses pertinentes.

Mais, les avancées récentes des dispositifs de diffusion des données publiques qui sont un élément important des politiques menées dans les pays occidentaux dans le cadre du développement des «  sociétés de l’information », ouvrent de nouveau le débat sur les notions public/ privé. 31

La diffusion gratuite de données publiques produites dans le cadre d’un service public s’appuie sur un principe fondamental dans les constitutions démocratiques qui est celui du droit à l’information du citoyen. L’émergence de l’électronique a renforcé les initiatives pour la libre circulation des informations brutes produites par le gouvernement. Les répercussions de ces politiques sur le marché de l’information sont différentes d’un pays à l’autre. Aux Etats-Unis, l’administration américaine diffuse activement ses données brutes sans exercer de contrôle par le biais du copyright. En Europe, la tendance majeure ne semble pas être celle d’une diffusion gratuite. En France, plusieurs circulaires ont été mises en place durant les trente dernières années pour un accès plus ouvert à l’information. L’essor de la thématique puis Internet a ouvert de nouvelles opportunités pour l’accès à l’information administrative et aux archives. Mais le débat politique sur la gratuité n’a été lancé que très récemment suite à l’avènement d’Internet qui est associé à une culture de gratuité. 32

Bien que la politique américaine libérale vise la création d’un marché d’information en livrant les données brutes pour une redistribution diversifiée de ces données, cette pensé libérale avait des effets déstabilisants sur le marché des bases de données bibliographique. Les bases de données bibliographiques produites par les organismes publics sont progressivement diffusées gratuitement sur Internet. L’accès gratuit à Medline produite par le National Institut of Health (NIH), l’offre gratuite de PubScience produite par le département de l’énergie et bien d’autres bases de données bibliographiques produites par d’autres organismes publics constituent une menace pour le secteur privé de production et de diffusion des bases de données bibliographiques. Nous discuterons, dans ce qui suit, les répercussions de cette offre gratuite sur les stratégies des acteurs des bases de données bibliographiques.

Notes
31.

Ghislaine Chartron, Les chercheurs et la documentation numérique : nouveaux services et usage. Paris : édition du Cercle de la librairie, 2002.

32.

Idem, p 55. L’auteur prend en considération plusieurs mouvements concernant le renouveau de l’économie non marchande pour la diffusion des publications scientifiques notamment : le développement d’une économie politique de savoir, le renouvellement de la notion de « bien public » liée à la connaissance, la diffusion électronique gratuite des données publiques, l’accès publique aux données de la recherche dans certaines communautés et le développement des logiciels libres.