3.1- L’entrée du CD-ROM sur le marché des bases de données

Le disque compact audio, présenté par Philips à la National Association of Records Manufacturers (NARM) en 1979, entre sur le marché grand public en 1982 et obtient un grand succès dans le secteur des loisirs 72 . L’existence d’installation de production pour le marché grand public du disque audio a donné naissance au CD-ROM, fabriqué sur la même chaîne de production.

De plus, la prolifération et la standardisation des ordinateurs personnels dans les activités professionnelles et la nécessité, pour les fournisseurs d’information, de trouver de nouveaux moyens pour distribuer la quantité d’information toujours plus grande, ont été des facteurs déterminants dans le développement de l’industrie du CD-ROM.

Les différentes sources signalent le fort taux de croissance du nombre de titres proposés. Mais, il est très difficile de connaître le nombre exact de titres produits. Supplystat dénombre 769 titres en 1989 et InfoTech en compte 753 pour la même année 73 . Alors que Martha Williams (1993) compte 433 titres en 1989 et 715 titres en 1990.

Les bases de données sur CD-ROM apportent une valeur ajoutée qui réside dans le multimédia. Le CD-ROM donne la possibilité de marier des données texte, image et son et de créer des applications de plus en plus proches du schéma de pensée naturelle grâce à l’apport conjugué du texte, de l’image et du son. Le tout est géré par un logiciel d’interrogation et de navigation.

Le CD-ROM s’impose sur le marché avec des utilisations de plus en plus nombreuses et variées. Il est avantageux pour l’utilisateur final pour des raisons économiques et pratiques. Selon Martha Williams (1989), les prix des services en ligne ont augmenté 10 fois plus pendant cette période à cause, en partie, de l’augmentation des charges de connexion. En revanche, la tarification des bases de données sur CD-ROM est moins complexe que celle de l’interrogation en ligne. Elle prend la forme d’un abonnement annuel fixe qui se rapproche du mode de tarification de périodiques imprimés.

Aussi, l’interrogation de bases de données sur CD-ROM a libéré l’utilisateur des contraintes des intermédiaires. Ces contraintes sont dues à la nécessité de connexion à un réseau public ou privé de téléinformatique et le passage par un serveur avec une tarification horaire. Elle lui a aussi permis l’autonomie de la recherche grâce à une interface d’interrogation simple éliminant le besoin de l’intervention du professionnel de l’information. De plus, les développements des réseaux locaux (LAN) ont permis à des institutions académiques de mettre en place des réseaux de CD-ROM autorisant un accès simultané à leurs utilisateurs rendant, ainsi, l’utilisateur plus autonome dans sa démarche de recherche.

Du côté de l’offre, le CD-ROM émerge comme un moyen attendu par les producteurs de bases de données, leur permettant le contrôle de la diffusion de leurs bases. En effet, les producteurs de bases de données bibliographiques avaient deux moyens traditionnels de distribution : les publications papiers, dont la production est onéreuse et la distribution à travers les serveurs en ligne. La production de bases de données sur CD-ROM avec sa structure intéressante de coût leur a permis, de réaliser une économie. Les coûts du CD-ROM résident essentiellement, dans le matriçage et leur coût final dépend, en partie, du nombre d’exemplaires distribués. Le disque, une fois réalisé, peut être recopié à moindre frais autant de fois que voulu.

D’autre part, la production sur support CD-ROM permet aux producteurs, d’augmenter leurs recettes par une propre distribution électronique de leurs bases. Ceci a eu des conséquences sur la relation entre producteurs et serveurs en ligne. Les producteurs voient dans le CD-ROM un moyen de reprendre l’initiative et d’avoir un contact direct avec leurs utilisateurs. Selon Marie-France Blanquet, l’édition du CD-Rom apparaît, pour les producteurs, comme «  un prolongement de leur métier, une valorisation de leur savoir-faire, une reconnaissance de leurs compétences masquées, en partie, par le serveur » 74 .

Par ailleurs, l’industrie du CD-ROM a autorisé l’entrée de nouveaux acteurs. La création et la diffusion des CD-ROM font appel à des partenaires multiples, chacun d’entre eux pouvaient élargir son rôle. Ces partenaires sont :

  • les producteurs de matériel  qui assurent la production de lecteurs (Philips, Sony, etc) et la production du support du matriçage, de la gravure, du pressage (Future, Vision) ;
  • Les producteurs de logicielsd’exploitations et de navigation (Jouve, Dataware,) ;
  • Les éditeurs ou producteurs de CD-ROM : il n’y pas une définition claire pour le terme producteur de CD-ROM. Certains le considèrent comme le producteur d’une base de données qui a une version CD-ROM ( BIOSIS, INIST). Et d’autres considèrent l’éditeur de la version CD-ROM comme producteur (Van Dijk, Compact Cambridge, SilverPlatter) ;
  • Les diffuseurs  ils constituent le point de vente et ils jouent le rôle des serveurs pour les bases de données en ligne. On en distingue trois catégories :
  1. les méga-distributeurs : point de vente incontournable tel que Faxon ;
  2. les distributeurs de taille moyenne : ce sont souvent des fournisseurs de services spécialisés qui ajoutent à leurs activités celle de la distribution (Van Dijk) ;
  3. et les éditeurs diffuseurs : ils correspondent aux producteurs intégrés des banques de données ASCII (Ovid, Silver Platter)Julia Gelfand, op.cit., 1996..

Il est vrai que le support CD-ROM, en raison de sa grande accessibilité et souvent de la meilleure ergonomie de ses interfaces, a touché une cible plus large que les services en ligne traditionnels (hors vidéotex).Toutefois, le marché de l’information électronique s’est construit sur une cible du marché restreinte, celle des intermédiaires en information (documentalistes et bibliothécaires spécialisés. Un sondage réalisé en 1992 par Bowker-Saur analysant l’effet du CD-ROM sur l’utilisation de services en ligne de bases de données a montré que la migration de l’utilisation se fait du papier vers le CD-ROM et non pas à partir de la version en ligne. La clientèle des serveurs en ligne, et surtout dans les secteurs industriels, préfère l’utilisation des services en ligne connus pour l’actualisation continue de leurs bases de données. En effet, le CD-ROM présente quelques faiblesses liées aux problèmes de mise à jour. De plus, les bases de données sur CD-Rom, à cause de leur capacité de stockage, sont morcelées (par année, par section) et vendues séparément, alors que la tendance actuelle est la demande d’une offre large et diversifiée des bases de données sur un seul support.

Actuellement, les deux offres coexistent avec beaucoup plus de passerelles entre elles, car leur objectif final est clair : l’utilisateur. D’après Blanquet 1993, «  La « monofonction » des différents partenaires de l’industrie de 1980 s’avère insuffisante. Un seul acteur devient «  poly-fonctions », posant ainsi les problèmes de concurrence, de concentration économique, d’alliance et de sous-traitance liées à toute activité de services  » 76 .

Par ailleurs, les années 80 ont été porteuses d’autres développements technologiques tels que le développement des réseaux de la recherche au niveau international avec une rivalité entre les protocoles américain TCP-IP et européen OSI/X25, le développement de l’industrie logicielle portée sur les systèmes intégrés de gestion des bibliothèques, les logiciels documentaires, l’interface conviviale ; de l’ingénierie linguistique relevant de l’analyse automatique du langage naturel pour les développements des interfaces « intelligentes » ; ainsi que les développements des prémices d’une édition électronique avec la publication en 1986 de la norme SGML et l’apparition de World Wide Web en 1989 au CERN 77 .

Le développement de l’industrie de l’information est associé dans les années 80 à de nombreuses politiques de soutien gouvernementales.

Notes
72.

Julia Gelfand, “Does CD-ROM have a future? Some Opinion Rom the filed”, in :Against the Grain. Vol 8, n°2, 1996, PP 17-21.

73.

OCDE, op. cit., 1993.

74.

Marie-France Blanquet, op.cit, 1992.

76.

Marie-France Blanquet, op.cit., 1992.

77.

Ghislaine Chartron. op.cit., 2001.