1.Les postulats de base

Aux Etats-Unis, l’approche interactionniste s’est développée par le biais de la sociologie alors qu’en France, la linguistique interactionnelle est apparue comme aboutissement de l’évolution de la linguistique avec notamment un intérêt, en analyse du discours, non plus pour la phrase comme unité pertinente ultime, mais pour une séquence de phrases. Le postulat de base de cette approche est alors le suivant : « Tout discours est une construction collective » (Kerbrat-Orecchioni, 1990 : 13). La parole est une activité sociale qui va donc s’effectuer à plusieurs, l’acte de parole impose non seulement un locuteur mais aussi un destinataire, c’est ce qui est nommé par les linguistes une allocution. De plus, l’acte de parole n’implique pas seulement une allocution mais aussi une interlocution, c’est-à-dire qu’il y a un échange de propos entre locuteur et interlocuteur. Dans notre étude, nous nous intéresserons avant tout aux interactions verbales entre la secrétaire et les client-e-s tout en enrichissant notre analyse autour de la description d’autres types d’interactions (interactions entre le patron et la secrétaire, interactions entre employés) et d’autres éléments pertinents, agissant à différents niveaux tels que le lien entre les statuts de la secrétaire et ses différents rôles, entre les espaces de travail et le pouvoir de la secrétaire, etc. L’idée qui sous-tend la notion d’interaction verbale est la suivante :

‘Tout au long du déroulement d’un échange communicatif quelconque, les différents participants, (…) des interactants, exercent les uns sur les autres un réseau d’influences mutuelles – parler, c’est échanger, et c’est changer en échangeant (ibid. : 17).’

La parole est, plus qu’une simple expression de la pensée, une pratique collective, les participants à cet exercice collaborant ensemble pour construire le discours. Ce discours est donc issu d’un travail collectif élaboré en collaboration. L’interaction peut alors être définie comme ‘«’ ‘ le lieu d’une activité collective de production du sens, activité qui implique la mise en œuvre de négociations explicites ou implicites, qui peuvent aboutir, ou échouer ’ ‘»’ (Kerbrat-Orecchioni, 1990 : 28-29). De plus, l’interaction est construite ‘«’ ‘ à l’aide d’un ensemble de règles qui s’appliquent, dans un cadre contextuel donné, sur un matériau de nature sémiotiquement hétérogène (unités verbales, paraverbales, et non verbales) ’ ‘»’ (ibid. : 75).

Nous allons présenter ici ce cadre contextuel dans l’interaction en général, puis dans nos corpus.