Nous ne reprendrons pas ici le modèle de Leech qui présente un certain nombre de maximes et sous-maximes constituant l’archi-principe PP (« Principle of Politeness »), des maximes telles que la maxime de modestie (« Minimize praise of self »et « Maximize dispraise of self ») ou la maxime d’accord (« Minimize disagreement between self and other » et « Maximize agreement between self and other »). Nous ne l’avons en effet pas utilisé comme tel, c’est pourquoi nous reprendrons ici la synthèse proposée par Kerbrat-Orecchioni (1992 : 183-191), synthèse du modèle de Brown et Levinson et de Leech, qui nous sera utile pour notre analyse de l’acte de requête dans les interactions de nos corpus. Kerbrat-Orecchioni souligne pour sa part l’importance de la distinction entre les principes orientés vers l’allocutaire (A-orientés) et les principes orientés vers le locuteur (L-orientés). Nous considérerons que le locuteur renvoie, dans nos corpus, à la secrétaire, et l’allocutaire, au client ou à la cliente.
Dans nos corpus, le/la client-e qui appelle pour une requête va formuler un acte de langage menaçant pour la face négative de la secrétaire (et par métonymie, pour la face négative de l’entreprise), mais valorisant pour sa face positive (le/la client-e veut travailler avec l’entreprise, donc avec la secrétaire, il lui fait donc confiance). Par contre, en appelant pour une réclamation, il formulera un acte menaçant pour ses faces négative et positive. La face positive de la secrétaire est menacée par l’aspect critique de la réclamation, sa face négative l’est par le fait que la réclamation contient de manière implicite (ou explicite d’ailleurs) une attente envers la secrétaire (qui est qu’elle répare ce qui ne va pas). La réclamation est donc à la fois une critique et une requête. Dans les deux situations, le/la client-e « enrobera » ses actes de minimisateurs (nous les aborderons dans la partie quatre). La secrétaire quant à elle « reçoit » plus qu’elle ne formule d’actes menaçants. En effet, comme nous venons de le dire, elle recevra de la part des client-e-s critiques, réclamations, requêtes, demandes d’informations, etc., tous ces actes étant des actes potentiellement menaçants (du plus menaçant au moins menaçant). Par contre, la secrétaire aura à éviter autant que possible les actes menaçants envers les client-e-s. Nous observerons ainsi lors de l’analyse des négociations que la secrétaire est la plupart du temps en quête de consensus : « Les intérêts de l’autre doivent passer avant les siens propres ; (…) on doit s’effacer devant l’autre (…) » (Kerbrat-Orecchioni, 1992 : 190). Même quand la secrétaire, comme tout autre employé d’ailleurs, reçoit un remerciement pour le service qu’elle a rendu aux client-e-s, elle le minimisera par l’expression « de rien ». Elle respecte donc un principe général de politesse qui est de minimiser ses propres mérites. De plus, elle maximise son acte dans le sens ou il est plus poli de donner sans rien attendre en retour, c’est ce qu’elle verbalise avec le « de rien ».
Revenons aux interactions de travail de nos corpus. Pour notre analyse, nous nous référerons aux théories et modèles présentés précédemment, mais parce les interactions doivent être réinsérées dans leur contexte communicatif, nous emprunterons certaines notions et méthodes de travail à d’autres disciplines telles que l’ethno-sociologie ou la psychologie. En effet, pour Pike notamment, l’activité langagière est une activité parmi d’autres, d’où « la nécessité d’étudier l’emploi du langage dans son contexte de situation et de rapprocher les recherches linguistiques des recherches anthropologiques, ethnographiques et sociologiques » (Roulet, 1974 : 21).