3.3.La sociologie interactionniste avec Goffman

Goffman, ayant refusé l’étiquetage de « sociologue interactionniste », parle plutôt d’« éthologie des communications de la vie quotidienne », ce qui montre qu’il apparaît comme « difficile à classer » (Bachmann, Lindenfeld et Simonin, 1991 : 126) bien qu’il se situe, pour eux, dans la tradition de l’interactionnisme symbolique. Pour Goffman,

‘une interaction entre deux personnes n’est jamais seulement une interaction, c’est-à-dire une simple séquence d’actions/ réactions limitées dans le temps et dans l’espace ; c’est toujours aussi un « certain type d’ordre social » (Goffman, 1988 : 96). Toute interaction convoque la société tout entière par le fait qu’elle fonctionne sur les mêmes principes (Winkin, 2001 : 113). ’

Ainsi, il étudie les caractéristiques des interactions en face à face (situation où ‘«’ ‘ deux individus ou plus, sont physiquement en présence l’un de l’autre ’ ‘»’, 1988 : 191). C’est aussi ce que supposent les « microsociologues » : la société possèderait les mêmes caractéristiques qu’un petit groupe, on pourrait donc appréhender la société en étudiant les interactions au sein du petit groupe : ‘«’ ‘ en étudiant les interactions au sein de celui-ci, on appréhende la société toute entière ’ ‘»’ (Winkin, 2001 : 123).

‘Si vous étudiez très minutieusement un milieu, un groupe, une situation, vous dégagerez bientôt nombre des régularités qui fondent cet ensemble particulier. Or ces régularités appartiennent à la communauté ou à la société globale (ibid. : 155).’

Certains des concepts décrits par Goffman ont un statut métaphorique telles que la notion de rôle, de face (on parle de métaphore théâtrale), les cérémonies rituelles ou la notion de gestion animale du territoire (métaphore éthologique). La métaphore théâtrale est fondée sur le fait que le monde est un théâtre et que chacun se donne quotidiennement en représentation. Chaque individu a un rôle et fait circuler des images de lui-même. Goffman appelle « face » l’image qu’un individu met en jeu dans une interaction, la notion de « face » ayant été ensuite reprise par Brown et Levinson (nous en avons déjà parlé). La « façade » est « l’appareillage symbolique, utilisé habituellement par l’auteur, à dessein ou non, durant sa représentation » (Goffman, 1973 : 29). Pour Goffman, l’attachement à une certaine face ainsi que le risque de se trahir expliquent en partie pourquoi tout contact avec les autres est ressenti comme un engagement (1974a). Dès que deux acteurs sont en présence physique, ils s’engagent, « qu’ils le veuillent ou non, dans une certaine forme de communication » (Goffman, 1987 : 269). Chacun des acteurs va réfléchir à ce qu’il va dire ou faire en fonction des réponses et réactions qu’il vient de provoquer chez l’autre. Mais nous ne parlerons pas en détail ici de ces concepts tels que la figuration, les rôles de chacun, ou encore le cadre, puisque nous les aborderons au cours de notre travail (la notion de « rôle » dans notre partie sur les identités, celle de « face » dans notre partie sur la requête).