1.1.2.Définitions de la T.P.E et de la P.M.E.

Une P.M.E. est une entreprise employant de 10 à 499 salariés. Elle peut être de différents types : artisanale (limitée alors à un marché local), sous-traitante (elle est dépendante d’une firme plus importante), industrielle (à spécialisation flexible). Les PME ont été peu étudiées en sociologie du travail pour diverses raisons, notamment parce qu’elles ont longtemps été vues comme une‘’ ‘«’ ‘ forme non développée de la grande entreprise ’ ‘»’ (Thuderoz, 1997 : 41), parce qu’elles seraient moins répandues, moins efficaces (d’après la sociologie) qu’une grande entreprise, etc. Pourtant, en 1990, d’après l’INSEE 38 , la France compte 166 000 PME employant au total 6,78 millions de personnes. Elles représentent donc, en 1990, 6 % des entreprises françaises et génèrent 45 % des emplois salariés. De plus, il faut ajouter à ces statistiques les « très » petites entreprises de moins de 10 salariés (que nous appellerons TPE, notion créée par les économistes), qui sont très nombreuses (notamment les Artisans de notre corpus) : 1,6 million d’entreprises n’ont aucun salarié et un peu plus d’un million d’entreprises font travailler de 1 à 9 salariés.

La PME a une faculté d’adaptation aux difficultés probablement plus souple que celle des grandes entreprises, ce qui peut expliquer sa durabilité. Ainsi, l’entreprise Artisans qui a connu des problèmes lors d’une grave crise du bâtiment il y a quelques années s’est trouvée dans l’obligation de licencier un salarié pour éviter sa faillite et a pu réagir rapidement grâce à sa rapidité d’adaptation aux événements. La PME possède aussi une faculté d’adaptation plus grande à l’évolution, à la nouveauté, qui permet d’expliquer la pérennité de celle-ci. Ainsi, comme l’explique Thuderoz (1997 : 41), certaines entreprises de luxe telles que l’orfèvrerie, la verrerie, deviennent centenaires grâce à leur solide réputation de qualité et d’innovation, de fidélité aussi à des produits et des processus leur permettant d’accéder à la compétition internationale.

Sur les quatre entreprises enregistrées, deux, les Artisans et les Transporteurs, sont respectivement une TPE et une PME. Les deux autres entreprises sont des filiales d’une entreprise plus grande qui sont elles-mêmes des PME. De plus, les entreprises Artisans et Transporteurs sont toutes deux des entreprises familiales ; ce sont des TPE / PME typiques, comme les définit Bauer (1990 : 150) : un « patrimoine familial d’un patron propriétaire ».

L’entreprise Artisans est, comme son nom l’indique, une (très) petite entreprise artisanale ayant différentes activités, toutes relatives au bâtiment : la vitrerie, la menuiserie, la miroiterie, l’aluminium. Son activité est locale, c’est-à-dire qu’elle se limite à la région lyonnaise mais peut s’étendre parfois à d’autres lieux de la région Rhône-Alpes (Isère, Drôme, Savoie…). Cette entreprise est une Très Petite Entreprise. En effet, elle compte en tout et pour tout cinq personnes : le patron, la secrétaire, et trois employés, et n’a jamais employé beaucoup plus de salariés. Enfin, c’est une petite entreprise familiale dirigée par un « patron-propriétaire ». En effet, cette entreprise a été créée par le grand-père de l’actuel patron en 1949 39 (il y a donc plus de 50 ans), qui a d’abord fait travailler son fils avant de lui léguer la direction. Celui-ci a ensuite fait de même avec son fils, et quand il partit à la retraite, le fils reprit l’entreprise familiale. C’est donc une histoire de famille, d’autant plus que chaque patron a fait travailler sa femme dans l’entreprise comme secrétaire/ assistante « de direction » (nous y reviendrons un peu plus loin dans cette partie).

Il n’y a semble-t-il jamais eu, à chaque époque, d’inquiétude, ni de doute de la part du patron quant à sa succession. Le renouvellement du dirigeant de PME le plus fréquent est le renouvellement par héritage, ce qui implique une totale confiance en son fils successeur. Toutefois, à l’heure actuelle, la situation semble être vouée au changement, puisqu’aucun des enfants (deux filles) ne reprendra l’entreprise, celle-ci sera donc très probablement vendue, tout comme l’entreprise Transporteurs qui se trouve dans la même situation.

La société Transporteurs est une société travaillant avec toute la France mais aussi avec une grande partie de l’Europe notamment du Nord : Belgique, Allemagne, Pays scandinaves (Suède, Finlande, etc.). C’est une véritable PME puisqu’elle emploie au total 25 personnes : 19 salariés, et 6 autres employés (dont 3 dans les bureaux, mécaniciens…).

C’est aussi une entreprise familiale qui dure dans le temps. En effet, le père de l’actuel patron a créé cette entreprise en 1973, elle a donc eu 30 ans l’année dernière, et en a fait hériter l’un de ses fils. Le deuxième a participé pendant plusieurs années à la gestion de l’entreprise avant de créer sa propre société il y a environ 6 ans. En cas d’absence du patron, c’est donc la secrétaire qui le relaie et prend des responsabilités plus importantes que celles associées normalement à son statut.

Dans ces deux entreprises, le pouvoir est entre les mains d’un seul homme. Ils n’ont pas d’associé, ni de remplaçant, qui prendrait leur place en cas d’absence. Il semblerait que cet exercice du pouvoir soit commun à de nombreuses PME. En effet, Bauer a observé que le patron de PME était en général « le seul maître à bord » (1990 : 151) : c’est lui qui prend toutes les décisions et surveille au quotidien les gestes de l’entreprise. Il ne s’entourerait que très peu de collaborateurs et ce, sous certaines conditions, afin d’éviter toute contestation, toute remise en question, en cause, de son autorité, de son savoir-faire, etc. : il choisirait de préférence un collaborateur « soumis », comme un salarié méritant, pour sa capacité de travail, sa fidélité, ou comme un membre de sa famille. Il est vrai que dans l’entreprise Artisans, le patron s’est entouré d’un « collaborateur », espérant ainsi trouver en lui un remplaçant potentiel en cas d’absence prolongée. Ce collaborateur était en fait un des salariés qu’il connaissait depuis longtemps 40 . Par contre, s’il est vrai qu’il s’est aussi entouré d’un membre de sa famille, son épouse, elle n’est en aucun cas « soumise » au pouvoir de son supérieur. On peut même supposer qu’au contraire, bien connaître son supérieur hiérarchique peut amener l’employé collaborateur à franchir les limites imposées par la hiérarchie. Nous le verrons d’ailleurs avec les statuts et rôles : le collaborateur a en effet, dans cette situation, le double statut d’employé et de membre de la famille et peut donc « jouer » sur les deux plans selon le contexte. De plus, il sait mieux que quiconque quelles sont les limites de ses fonctions, de son pouvoir. Nous verrons en effet comment certains salariés, en l’occurrence ici les secrétaires, pour étendre leur liberté d’action, utilisent « les zones d’incertitude de l’organisation à son profit » (Crozier et Frieberg, 1977 : 74).

L’entreprise Fournisseurs est un grand fournisseur en bâtiment de menuiserie aluminium en France. Cette entreprise s’est aussi développée au niveau européen avec un réseau de quatre filiales, et au niveau international avec plus de 300 clients et licenciés (entreprises se fournissant en aluminium chez eux) dans le monde. Leur effectif en France est d’environ 1100 personnes, dont une partie travaille en région lyonnaise, dans l’entreprise de notre corpus. Concernant le nombre d’employés, les secrétaires sont au nombre de deux, les techniciens sont en général deux ou trois dans les bureaux, et l’entreprise est dirigée par un chef d’agence.

Le cabinet Assureurs se situe dans une petite ville. Il est situé dans une petite rue de la ville, et se trouve être une succursalle d’un plus assureur. Le cabinet est dirigé par deux associés qui se partagent les tâches, et quatre secrétaires qui sont ici plutôt des conseillères, qui se partagent les dossiers selon leur nature (assurances auto, maisons, sinistres, etc.).

Dans chacune de ces entreprises nous ayant servi d’objet d’étude, nous nous sommes particulièrement intéressée à la secrétaire, l’acteur le plus communiquant de l’entreprise. Nous allons donner ici une définition de la secrétaire en décrivant rapidement les rôles qu’elle peut avoir au sein de l’entreprise (nous y reviendrons dans notre troisième partie, concernant les identités).

Notes
38.

Statistiques citées par Sainsaulieu, 1990 : 150-151.

39.

Il l’a enregistrée au registre des commerces en 1956.

40.

Ils ont fait leurs études de miroiterie-vitrerie ensemble, et l’ouvrier avait déjà eu sa propre entreprise quelques années auparavant.