1.3.Téléphone et ordinateur, supports de communication

Les recherches portant sur la communication dans le travail ont débuté tardivement. En effet, les différentes recherches qui ont été menées portaient principalement sur le travail (sans la communication) et sur la communication (sans le travail) 48 . De plus en plus, l’analyse des situations de travail s’est faite en parallèle de la communication. L’enregistrement des communications a ainsi favorisé l’analyse du langage. De nombreuses études ont porté sur l’analyse de la communication dans des situations de travail en face à face telles le milieu hospitalier, le service au guichet, le petit commerce, etc. Celles portant sur la communication à distance se sont notamment concentrées sur des domaines particuliers, comme les interactions homme/machine, les visioconférences. Dans ce travail, nous avons principalement analysé les interactions à distance entre la secrétaire de l’entreprise et le client tout en décrivant le contexte dans lequel travaille la secrétaire. Le contexte, dans un sens large, comprend des éléments de natures différentes tels que les espaces dans lesquels la secrétaire évolue, les relations qu’elle entretient avec les autres employés de l’entreprise, avec son supérieur, tous ces éléments contextuels pouvant modifier le cours des interactions avec les clients, donc son travail.

‘Les discours au travail (…) ont pour caractéristique majeure leur intrication avec le monde des objets techniques, leur insertion dans des relations sociales, des espaces et des temporalités qui les contraignent fortement. (…) Des dimensions des espaces de travail comme le bruit, la chaleur, l’éloignement physique des opérateurs (…) ont des conséquences importantes sur l’activité langagière (Boutet, Gardin et Lacoste, 1995 : 15-16).’

Ainsi, l’activité langagière est souvent interrompue par des « incidents », des appels téléphoniques, etc., toutes ces interruptions déterminant « des organisations très particulières des discours » (ibid.). Tout un réseau de communications se tisse ainsi au sein de l’entreprise : communications entre le client et l’entreprise (dans sa globalité), entre la secrétaire et le client, entre le patron et la secrétaire, la secrétaire et ses collègues de travail, entre elle et son espace de travail, etc. Dans le cadre de notre analyse des interactions Secrétaire-Client-e-s, la communication entre les différents acteurs est uniquement verbale puisqu’il s’agit de conversations téléphoniques. Toutefois, tout type de supports confondus, les communications passent par différents types de canaux. La communication ne se limite donc pas à trois éléments, « le communicateur, le message et le récepteur » (Schramm, 1971 : 14-15), et elle n’est pas que verbale et intentionnelle, comme elle avait été définie dans les travaux de Shannon et Weaver (1949 49 ). L’anthroplogue Bateson définit la communication de la manière suivante :

‘La communication ne se rapporte pas seulement à la transmission des messages verbaux, explicites et intentionnels ; telle qu’utilisée dans notre acceptation, la communication inclurait l’ensemble des processus par lesquels les sujets s’influencent mutuellement (1951 : 6).’

Le concept de la communication ne sera plus « télégraphique » mais « orchestrale » : « La communication ne se limite pas à la transmission intentionnelle d’informations verbales » (Winkin, 2001 : 70).

‘Ce modèle de la communication n’est pas fondé sur l’image du télégraphe ou du ping-pong – un émetteur envoie un message à un récepteur qui devient à son tour émetteur, etc. – mais sur la métaphore de l’orchestre. La communication est conçue comme un système à multiples canaux auquel l’acteur social participe à tout instant, qu’il le veuille ou non : par ses gestes, son regard, son silence, sinon son absence… En sa qualité de membre d’une certaine culture, il fait partie de la communication, comme le musicien fait partie de l’orchestre. Mais, dans ce vaste orchestre culturel, il n’y a ni chef, ni partition. Chacun joue en s’accordant sur l’autre. (Winkin, 1981 : 7-8).’

Pour en revenir au téléphone, « dès le moment où vous faites installer le téléphone, le contexte communicationnel est établi et, dès lors, les processus de communication sont activés » (Birdwhistell, 1974 : 211). Il n’est plus aujourd’hui le seul outil de communication à distance tout comme le papier n’est plus le seul moyen de conserver des informations sur les clients. En effet, une grande évolution technologique s’est déroulée ces dernières décennies. Aujourd’hui, la plupart des grandes entreprises françaises (et de plus en plus aussi, les plus petites entreprises) ont leur site Internet, leur propre adresse électronique. Ces entreprises peuvent alors être jointes par e-mail, en plus du fax et du téléphone (fixe et portable). Elles s’équipent donc de plus en plus de technologies d’information et de télécommunications et si elles ne le font pas, leurs partenaires, que ce soit des clients ou des entreprises avec lesquelles elles travaillent (fournisseurs, autres entreprises, etc.), le leur font remarquer rapidement. Ainsi dans l’entreprise Artisans, petite entreprise familiale, le patron n’a pas de téléphone portable à usage professionnel. Son téléphone portable personnel a un usage professionnel en de rares occasions d’urgence. Pourtant, la secrétaire est très souvent sollicitée par le client ou le professionnel appelant pour lui demander un numéro de portable qui leur permettrait de joindre facilement le patron de l’entreprise (« monsieur P. n’a pas de portable où je peux le joindre ? »).

Concernant les nouvelles technologies permettant de conserver et de faire circuler plus facilement et plus rapidement les informations, une certaine évolution s’est, dans ce cadre aussi, faite sentir. Les entreprises ont en effet de plus en plus de données à gérer, à stocker, que ce soit à petite échelle (entreprise artisanale) ou à plus grande échelle (entreprise nationale ou même européenne). Un nombre de plus en plus grand d’informations circulent et elles sont souvent gérées par un nombre de personnes assez restreint, parfois même par une seule personne. Ainsi, nous verrons tout au long de l’analyse de nos corpus que la secrétaire, quelle que soit la taille de l’entreprise, assure différents rôles sous la seule casquette de « secrétaire », ceci étant dû notamment au flou autour de la définition même de ce terme (flou qui permet de repousser les limites de ses fonctions) et des fonctions associées au rôle de secrétaire. Dans tous les cas, c’est la secrétaire qui est, la première, en contact avec le client et elle est son interlocuteur privilégié. C’est donc elle qui fait circuler le plus d’informations entre l’intérieur de l’entreprise (le patron) et l’extérieur (le client). Les nouvelles technologies telles que l’informatisation des données vont pouvoir donner à la secrétaire plus d’autonomie dans les travaux quotidiens. Au lieu de mémoriser toutes les informations ou de garder des notes, elle travaille en « collaboration » avec la machine.

Il a d’ailleurs été remarqué dans les récentes études portant sur le langage au travail 50 que la communication dans l’entreprise devenait de plus en plus plurisémiotique. Ces études

‘confirment l’urgence de s’intéresser aux situations de contact ou de mélange sémiotique. Car les multiples scènes de communication-production évoquées ont un trait commun. Elles combinent des objets, des techniques et des supports (téléphone, ordinateur, micro, dialogues de face à face, chaîne de production, écrit traditionnel, visioconférence) qui impliquent complexité, tension et invention pour les sujets (Pène, 2001 : 10).’

Parmi les autres supports de l’interaction, nous trouvons, de façon quasi systématique dans toutes les entreprises, l’ordinateur qui a des usages, donc des rôles différents selon l’entreprise, selon la secrétaire aussi (selon sa maîtrise de l’outil, le temps qu’elle peut y consacrer proportionnellement à l’utilité qu’elle en fera, etc.). Ainsi, dans l’entreprise Fournisseurs, toutes les informations concernant leurs produits sont informatisées que ce soient les détails techniques (mesures, matériaux, etc.), les prix ou la disponibilité de ces produits, les délais requis, etc. Toutes les informations concernant les clients sont elles aussi sur informatique (commandes enregistrées, passées ou actuelles, informations sur les chantiers, sur l’entreprise du client, etc.). Le service de livraison quant à lui prépare et envoie les commandes, il est donc aussi relié par informatique aux autres services. Ceci permet aux secrétaires et aux techniciens de savoir ce qui se passe, en temps réel, dans les entrepôts, comme on peut le voir dans les exemples suivants :

Interaction 1

4C j’ai reçu mes commandes euh en début de semaine là de lundi

5L alors attendez (4’) j’me mets sur vot’compte hein (14’) alo:rs des commandes euh quelle référence: chantier

(…)

65L alors eu oui h: j’vais regarder (inaudible) i’manquait des pièces en LBU

66C oui

67L (…) donc ça part aujourd’hui

Interaction 10

28L j’ai pas de commande du 6 juillet

29C ah si si je vous l’ai passée par téléphone

(…)

34L pa’ce que moi c’que j’ai à l’écran c’est uniquement euh une commande la dernière du 2 juillet

35C oui mais une commande écrite

36L euh peut-être je sais pas moi je vous dis c’que j’ai à l’écran hein [donc euh

37C [oui la commande du 2 juillet c’est une commande écrite oui

42L alors à mon avis y a du avoir un souci là pa’ce que j’la vois pas du tout enregistrée

(…)

50L voilà ah ben moi c’est du 2 juillet alors à moins qu’il ait rajouté là d’ssus alors

(…)

52L ah d’accord pa’ce que moi la première est enregistrée du 2 c’est pour ça que je voyais pas

Dans ce deuxième extrait d’interaction, la secrétaire a sur son écran d’ordinateur des informations contradictoires avec celles que lui donne son interlocuteur. Ceci peut arriver dans tout service dans lequel les agents travaillent avec l’ordinateur. L’agent, la secrétaire, ou tout autre employé peut être ainsi confronté à deux interprétations possibles de la réalité, l’écran et le client. L’écran est donc à la fois une source d’informations venant compléter l’interaction, mais pouvant aussi la contredire, la freiner. Dans notre extrait d’interaction, la secrétaire met alors en doute ce que lui dit le client plutôt que ce que lui dit son ordinateur (« y a du avoir un souci pa’ce que j’la vois pas du tout enregistrée »), ce qui illustre bien l’importance que peut avoir la machine, et la confiance que les employés ont en elle, et surtout l’importance donnée aux informations écrites, contrairement aux informations orales, qui sont perçues comme « non officielles » parce quelles peuvent être modifiées dans le temps par les individus (volontairement ou non).

Dans l’entreprise de Transports, la secrétaire travaille d’une façon similaire, selon les informations qu’elle recherche. En effet, elle est en interaction de façon quasiment constante avec son ordinateur dans lequel tout est archivé : comptes clients, informations sur les transports passés, en cours, en prévision, prix des livraisons, etc. Toutefois, concernant les demandes de clients sur des transports à venir (à courte échéance), elle n’utilise jamais l’ordinateur pour donner une réponse à leur requête : soit elle connaît déjà la réponse et elle ne la vérifie pas (ce qui peut surprendre le client) (première série d’exemples), soit elle demande à son supérieur quand elle ne sait pas elle-même la réponse (deuxième série d’exemples).

Interaction 2 (98)

2C bonjour ↑ transports X Auxerre: (1’) j’aurais voulu savoir si vous aviez un véhicule au départ du 89 aujourd’hui

3S (1’) euh: non

Interaction 20

6C j’voulais savoir si vous aviez un camion sur Mulhouse qui pouvait charger à Saint-Etienne aujourd’hui

7S personne on a personne là-haut

8C ah OK demain non plus

9S .. euh non pas pou- oas: pas prévu

Interaction 11 (97)

10C vous n’avez rien d’autre pour demain s’il vous plaît

11S non rien pour l’instant

Interaction 12

26C bon . euh: moi j’voudrais un camion pour d’main

(…)

31S alors quittez pas

M alors demain ou jeudi y en a un qui livre chez lui j’sais pas quand (j’crois qu’cest jeudi)

(…)

34S oui i’me dit soit demain soit soit jeudi

Interaction 13

4C j’ai 60 m3 pour le 93 à faire . si ça l’intéresse

5S je vais lui demander un instant

S ça vous intéresse 60 m3 au départ de M.

(…) M euh pfff

(…)

9S oui pour l’instant il a pas d’possibilité

Du côté des Artisans, la secrétaire ne travaille pas en continu sur son ordinateur. Celui-ci sert principalement à la comptabilité de l’entreprise. Elle connaît une grande partie des informations soit parce qu’elle les a gardées en mémoire, soit parce qu’elle sont écrites (« les genres de langage écrit pullulent : le message, la note jetée sur un bureau, en marge d’une lettre, le post-it collé sur un récepteur téléphonique, le double d’un fax passé à un collègue, la circulaire affichée… », Pène, 1995 : 106), et quand elle ne les connaît pas, elle demande à son supérieur. Ainsi, tout comme dans l’entreprise Transporteurs, le patron détient des informations importantes telles que les prix, ce qui lui donne un certain pouvoir de décision, et ce qui rend la secrétaire moins autonome que celles de l’entreprise Fournisseurs. Comme l’explique Jaeger (1998 : 5) :

‘En interne, ces technologies donnent – et même imposent – plus d’autonomie aux opérateurs dans l’exercice de travaux quotidiens, mais permettent en même temps de les contrôler plus étroitement. Cette nouvelle autonomie sous contrôle vient d’une part de la nécessité de gérer les aléas, d’autre part des démarches vers la qualité (…) qui reposent sur l’obtention d’informations détaillées (…) pour conformer chaque produit ou service aux désirs de chaque type de client.’

Ces technologies permettent non seulement d’améliorer la transmission d’informations, de favoriser la communication entre les différents salariés d’un même service et entre les différents services, elles permettent aussi de mieux traiter les informations sur les clients, et d’en traiter plus :

‘A l’extérieur, ces technologies ouvrent de nouvelles possibilités pour mieux connaître les clients, les fidéliser et accroître l’attrait des produits et services offerts par l’entreprise. Elles permettent en outre de traiter plus d’informations sur les clients et ainsi de mieux surveiller leurs comportements… (ibid.).’

Avec l’informatisation des données, le client devient virtuel. La secrétaire n’a plus à se souvenir de chaque client en particulier. L’investissement est, pour elle, donc moins coûteux, plus économique mais aussi plus rentable (gain de temps, informations classées, etc.). D’après Caby et Jaeger, les entreprises incitent de plus en plus leurs employés à communiquer avec leurs clients par téléphone (ou par voie électronique), surtout en ce qui concerne la résolution de problèmes. La relation directe impliquerait « un contact physique estimé plus coûteux » (1998 : 101). Les entreprises ne gardent alors des relations en face à face qu’avec une certaine catégorie de clients, « les cas complexes » ou « les hauts de gamme » (ibid.). Nous avons d’ailleurs vu, lors de l’analyse d’une négociation de rendez-vous par le directeur d’agence de l’entreprise Fournisseurs avec un gros client (Interaction 49), que nous étions typiquement dans ce cas de figure.

34JP (…) et puis euh l’aut’jour on voit un ou deux clients d’la région et c’est souvent essentiellement les clients qui ont un encours important ou sur lesquels on a bs’oin d’infos …

(…)

88JP (…) c’est vrai qu’le chiffre d’affaire j’crois arrêté à fin:: euh vous avez pété les plombs là . le chiffre d’affaire arrêté à fin juin iu fin juill- non fin juin est pratiquement euh égal à c’lui qu’vous avez à sur l’année quatre vingt diz: euh sept

Dans cette interaction, le directeur d’agence souhaite rencontrer ce client parce que c’est un client important, l’agence, par le biais de son directeur, est prête à traverser une partie de la France pour le rencontrer, ce que l’agence ne ferait pas pour un plus petit client, quitte à ne jamais le voir de visu. Rencontrer les « gros » clients permet aussi à l’entreprise de garder un contact avec le client et de le fidéliser en lui montrant de l’intérêt.

L’informatisation des données et l’utilisation systématique, par la secrétaire, de l’ordinateur lors de ses interactions téléphoniques avec le client, lui permet de resituer, de reconstruire immédiatement le cadre de l’histoire conversationnelle de travail qu’elle peut entretenir avec le client. Elle a en effet rapidement accès à toutes les informations nécessaires pour répondre à la demande de son client, ceci lui permet de « personnaliser » le dialogue avec le client, d’accélérer le déroulement de l’interaction, et cela évite ainsi au client de retracer le contexte. Les relations liant la secrétaire aux clients se sont donc modifiées au fil des années. Une véritable relation interpersonnelle peut se nouer entre le professionnel, celui qui vend des biens ou offre des services, et le bénéficiaire. Le téléphone est alors une sorte d’élément clé du lien social, qui relie les individus entre eux 51 . Combiné à l’informatisation des données, le téléphone modifie la vision que le professionnel a des clients, et inversement, la vision que le client a de l’entreprise. Les communications à distance (téléphone et ordinateur), tout en favorisant la transmission des informations sur le client et sur son passé en tant que client de l’entreprise, tendent à modifier la vision que peut avoir la secrétaire du client : le client tend alors à disparaître physiquement (il a de moins en moins besoin de se déplacer puisqu’il peut communiquer facilement à distance) et à devenir virtuel.

Cette remarque est pertinente principalement pour les PME telles que les entreprises Transporteurs et Fournisseurs, les entreprises Artisans et Assureurs étant plutôt des TPE. En effet, les deux plus grandes entreprises de nos corpus entretiennent des relations à distance avec leurs clients, étant donné que ceux-ci se trouvent dans toute la France, voire à l’étranger, même si leurs clients principaux sont dans la région lyonnaise. Les employés de ces entreprises ne peuvent donc pas, matériellement, rencontrer tous leurs clients. A l’inverse, les entreprises Artisans et Assureurs sont des très petites entreprises, situées dans de petites villes, et offrant, en plus des biens matériels, un service de proximité. Ainsi, chez les Artisans, les ouvriers ou le gérant se déplacent souvent chez le particulier pour prendre des mesures, poser des vitres, etc. Les clients de ces entreprises se sont, en règle générale, déjà déplacés au sein des locaux de l’entreprise (par exemple pour récupérer une commande, chez les Artisans, ou signer un contrat, chez les Assureurs). Seuls les clients potentiels peuvent n’avoir que des relations strictement téléphoniques avec l’entreprise.

Ainsi, dans le corpus Transporteurs, nous pouvons relever des remarques venant des clients qui montrent qu’ils ne se sont probablement jamais rendus dans les locaux de l’entreprise, et qu’ils n’ont peut-être jamais rencontré leur interlocutrice, la secrétaire.

Interaction 19 (97)

11C j’vous connais pas mais faudra qu’je vienne

12S .. pardon ↑

13C je vous connais pas mais i’faudra qu’je vienne

14S ah bon pourquoi ↑ (rires)

15C comme ça je saurais qui j’ai en face de moi [(rires)

16S [(rires)

Le client ne connaît ni les locaux de l’entreprise, ni la secrétaire, peut-être même qu’il ne connaît pas le patron, et il s’est créé sa propre image de l’entreprise et de la secrétaire, image qu’il aimerait « vérifier ». La secrétaire en est d’ailleurs étonnée, en 14S (« pourquoi voulez-vous venir ? »).

Pour conclure, nous soulignerons qu’il peut donc sembler périlleux et contraignant, pour une secrétaire, de travailler à partir d’informations écrites ou mémorisées et non informatisées. En effet, la non-informatisation des données (ou bien le non-usage d’informations informatisées) favorise le risque de circulation de mauvaises informations, d’oublis (nous savons que la mémoire est sélective, certains messages n’arrivent pas toujours à bon port). De plus, elle favorise une perte de temps due à la recherche des informations demandées, ce qui renvoie, au client, l’image d’une entreprise peu moderne, éventuellement peu sure. Chaque type de communication a donc ses avantages et ses inconvénients. Concernant le premier contact, le client peut entrer en contact avec l’entreprise en se déplaçant jusqu’à ses locaux, ou en téléphonant. Lors des rencontres suivantes, s’il doit y en avoir, le client peut alors ne communiquer plus qu’à distance, par téléphone, par fax (pour confirmer une commande par exemple), par e-mail éventuellement (dans les grandes entreprises, la condition sine qua non étant que ces entreprises consultent quotidiennement leur boîte aux lettres électronique). L’avantage de la communication en face-à-face est de permettre au client de voir à qui il a « affaire », de se faire une idée du professionnalisme de l’entreprise, de rencontrer ses interlocuteurs, surtout dans des situations telles que celles rencontrées dans les entreprises d’artisanat du type Artisans. En effet, la vente de biens par l’entreprise est suivie la plupart du temps de la pose de ce bien (véranda, fenêtre, etc.) chez le client. Il y a donc visite de l’entreprise, par le biais d’un employé ou du patron (ce que demandent très souvent les clients), chez le client, ce qui implique une certaine relation de confiance entre les différentes parties. L’avantage de la communication orale à distance quant à elle est évidemment un gain de temps : elle permet au client de ne pas se déplacer quand ce n’est pas nécessaire, et donc d’avoir les informations qu’il souhaite plus rapidement. Par contre, les locuteurs ne se connaissent pas de vue, et surtout, ne connaissent pas les espaces de travail de l’entreprise (comment fonctionne l’entreprise, par qui est-elle dirigée, quels sont les moyens mis en œuvre pour satisfaire le client, que ce soit au niveau de la production des biens que de leur livraison). La communication écrite est plus rare et est avant tout un support à la communication orale : les devis et factures, tout comme les contrats d’assurance se font par écrit, et viennent confirmer ce qui a été dit à l’oral. Il faut tout de même préciser que, même si la communication orale est l’essentiel de la communication, tous types confondus, entre le client et l’entreprise, l’écrit a donc toujours un caractère officiel, incontournable dans les interactions de travail de ce type, mais n’est pas utilisé de façon systématique. Ainsi, tout ce qui est échangé au téléphone entre la secrétaire de l’entreprise Artisans et ses clients n’est pas transcrit sur papier : par exemple, le client accepte le devis de l’entreprise au téléphone, sans avoir à le confirmer par écrit. D’ailleurs, certains clients, en général du troisième âge, qui ne sont pas forcément entrés dans « l’ère » de la communication orale à distance, ont tendance à demander plus de preuves écrites de tous les propos échangés entre la secrétaire et eux : confirmation d’acceptation du devis, etc.

Nous schématiserons de la façon suivante les différents types de communications possibles entre le client et la secrétaire :

Figure 2 : Types de communication dans l’entreprise
Figure 2 : Types de communication dans l’entreprise
Notes
48.

Le point sur ces différentes recherches a été notamment abordé par M. Lacoste, 1998 : 9-14. Ainsi, l’auteur explique que les études sur la communication ne se sont intéressées que tardivement au travail, et parallèlement, « les recherches sur le travail ont longtemps porté peu d’attention aux communications » (p.11).

49.

Voir Y. Winkin, 1996 : 27-53, chapitre dans lequel il décrit la conception « télégraphique » de la communication.

50.

Voir les différentes recherches ayant porté sur les call-centers (75-98), la télé-assistance (55-73), la SNCF (35-54), etc. dans Pène, Borzeix et Fraenkel, 2001.

51.

Voir notamment Cabin, 1998.