2.5.Les espaces de bureaux

Le mot « bureau » vient de « bura » qui était, au Moyen-âge une étoffe de laine (verte) qui s’étalait sur la table de travail. Le mot « bureau » a d’abord désigné la table de travail de celui qui exerçait une activité administrative, et ensuite par extension, la pièce où ces activités étaient exercées.

Une entreprise se décompose en un certain nombre d’espaces organisés, espaces plus ou moins répartis selon la nature du travail, et selon le statut de ses « habitants ». D’une part, chaque activité demande une certaine quantité d’espace pour sa réalisation, l’espace n’est donc pas morcelé de la même façon selon les postes et les personnes. Dans les entreprises du type « vente de biens » (matériels), nous retrouvons des espaces de production (les ateliers) et les espaces de bureaux. Ces bureaux ne seront pas les mêmes, au niveau de la taille, la forme, etc., selon qu’il s’agit du bureau d’un patron, d’une assistante de direction, d’un cadre ou d’une standardiste. Dans d’autres types d’organisations, notamment la « vente de services » (assurances par exemple), nous trouverons uniquement des espaces de bureaux. D’autre part, les places attribuées aux individus vont refléter des positions de pouvoir au sein de l’entreprise. Comme nous l’avons déjà dit, « plus la place qu’on occupe dans la hiérarchie est élevée, plus l’espace et l’équipement auxquels on a droit sont importants » (Fischer, 1983 : 14).

Fischer (1989) définit les espaces de bureaux comme l’ensemble des espaces réservés à l’exercice administratif et au traitement de l’information. Ces deux aspects détermineront la physionomie du bureau. Et selon le choix des responsables dans l’entreprise, ils ne structurent pas tous de la même façon l’espace des bureaux. Nous pouvons retrouver différents types de bureaux :

Ainsi, dans l’entreprise Fournisseurs, le directeur d’agence a son propre bureau fermé, et les deux associés du cabinet d’assurances ont eux aussi chacun un bureau puisqu’ils ne traitent pas des mêmes affaires. En ce qui concerne les chefs d’entreprise de nos deux autres corpus(Artisans et Transporteurs), ils se sont construit un espace de travail à mi-chemin entre bureau totalement fermé et bureau ouvert, que nous allons voir immédiatement.

Le bureau paysager ou bureau ouvert 73  : Ce type d’espace de bureau vient de l’idée de suppression de toute barrière physique à la communication, afin de créer « un espace transparent et fluide où rien n’entrave la bonne circulation des informations » (Fischer, 1989 : 57). Cet espace peut éventuellement être aménagé afin de délimiter des zones, mais dans tous les cas, les employés restent d’une certaine façon, « sous surveillance », ce qui ne les rend donc pas plus productifs.

Dans nos corpus, nous retrouvons en fait des espaces mixtes. Les espaces cloisonnés sont les bureaux des dirigeants et certains sont tout de même en partie ouverts. Cette semi-ouverture leur permet une liberté de communication avec leur secrétaire, tout en ayant quand même un bureau fermé aux regards indiscrets ou gênants (ceux des clients ou représentants qu’on ne voudrait pas voir).

Dans les locaux de l’entreprise Artisans, le bureau du patron est situé en retrait, à l’abri des regards. Son bureau communique avec celui de la secrétaire (qui fait aussi accueil), par une porte vitrée coulissante (qui reste toujours ouverte). Ainsi, de son bureau, le patron communique très facilement avec la secrétaire (ils se voient). Par contre, il n’est pas visible par le client, sauf si celui-ci s’avance trop dans le bureau d’accueil. L’emplacement de son bureau renvoie donc à la hiérarchie de l’entreprise : le supérieur a un bureau séparé. De plus, en étant à l’abri des regards, la secrétaire peut assez facilement mentir sur la présence ou l’absence de son mari. Il faut préciser qu’il lui laisse très volontiers le travail « relationnel » 74 . Leurs deux bureaux ne sont pas « personnalisés », nous n’y trouvons pas d’indices personnels d’appropriation de l’espace, tels que des photos, bibelots, etc. Ceci peut s’expliquer peut-être par le fait que ces espaces, dans leur globalité, sont déjà « personnalisés » par leur localisation dans la maison familiale. C’est un poids suffisamment lourd à porter que de devoir gérer sans cesse les intrusions territoriales de clients, d’autant plus que ces intrusions se font régulièrement sur le territoire personnel (visites pendant la pause repas, le soir après la fermeture, ou encore le week-end) …

Dans les locaux de l’entreprise Transporteurs, le bureau du patron est accessible de deux façons : par le couloir qui mène aussi au bureau de la secrétaire, et par les entrepôts 75 . Les deux bureaux sont en contact par le biais d’une fenêtre coulissante, toujours ouverte, ce qui facilite la communication entre patron (qui a tout de même son bureau à part 76 ), et secrétaire (qui partage son bureau avec la comptable).

Notes
73.

On parle en anglais d’«open space».

74.

Ceci resurgit dans de nombreuses interactions avec les clients qui veulent être mis en relation avec le patron, et où la secrétaire doit sans cesse plus ou moins mentir pour éviter les contacts entre les deux.

75.

Ce sont les chauffeurs employés de l’entreprise ou les chauffeurs livreurs qui utilisent cette porte.

76.

Même s’il se déplace beaucoup.