1.2.Corps de l’interaction

Après la séquence d’ouverture consacrée à l’ouverture du canal et la reconnaissance mutuelle, les interactants vont entrer dans le vif du sujet, c’est-à-dire que l’appelant va formuler sa requête.

‘Le thème ne s’introduit ni d’un seul coup ni une fois pour toutes dans le discours. Les interlocuteurs arrivent habituellement à la "anchor position" (Schegloff, 1986) conjointement et après avoir ratifié réciproquement leur statut d’interactants selon différentes modalités possibles (Berthoud & Mondada, 1995 : 282). ’

Cet échange est un échange « charnière », marquant le passage de la reconnaissance mutuelle à l’interaction proprement dite. En effet, la requête de l’appelant, qui peut être de différents types, peut donc être plus ou moins menaçante. Une demande de prix sera moins menaçante qu’une réclamation, le client adaptera donc la formulation de sa requête à la nature de celle-ci. Il adoucira plus ou moins sa requête par des minimisateurs, alors que de son côté, l’appelé est celui qui, devant parer à toutes les éventualités, devra avoir réponse à tout. La secrétaire a, elle aussi, un travail de face à produire (face work), afin de ne pas avoir un comportement menaçant vis à vis du client (ne pas montrer que l’appel la dérange, que le patron ne veut pas parler à ce client, etc.). Le travail de la secrétaire se rapproche ici de celui de l’agent d’accueil : ‘«’ ‘ Quand le client entre, l’agent est toujours tourné vers lui, dans une attitude ouverte qui ne laisse aucun doute sur sa disponibilité ’ ‘»’ (Lacoste, 1995 : 12), d’autant plus que ‘«’ ‘ l’agent d’accueil est celui sur qui retombent les erreurs, les incohérences, les contradictions que connaît toute l’organisation ’ ‘»’ (ibid. : 19). Même si l’un des rôles de la secrétaire est de répondre au téléphone et aux requêtes des clients, celle-ci est sans cesse en situation de stress éventuel, ou tout simplement, investie dans une autre tâche, au moment où le client l’appelle pour une autre requête. C’est pour ces raisons que ce passage de la séquence d’ouverture à celui du corps de l’interaction (la réalisation de la requête) est un échange charnière, délicat, lors duquel chaque interactant va utiliser les ressources de la politesse linguistique à sa disposition pour ménager les faces de l’autre, et protéger les siennes.

C’est ce que nous décrirons dans notre dernère partie (Partie 4), consacrée à l’analyse de la requête (et des négociations).