1.3.Séquence de clôture

La séquence de clôture est une séquence délicate car « elle marque le passage de la communauté à l’isolement » (Traverso, 1996 : 75). Les interactants tentent de « quitter » l’interaction sans offenser l’autre, ni perdre soi-même la face. De plus, la séquence est en quelque sorte, dans les interactions de travail, la dernière « image » que le client gardera de l’interaction. Si la séquence de clôture est bâclée, le client ne gardera pas forcément un bon souvenir de l’entreprise et ne rappellera pas : son enjeu est « ici la poursuite, non plus de l’interaction (puisqu’elle est entrain de s’achever), mais de l’histoire conversationnelle » (Kerbrat-Orecchioni, 1990 : 222).

Dans les conversations familières, les interactants ont une vision plutôt négative de la clôture, ce qui les amène à prolonger cette séquence par différents actes, comme la relance de certains thèmes abordés durant la conversation, ou de nouveaux thèmes, ou encore comme la présentation de souhaits, de remerciements, etc. 92 . En effet, « clore une conversation, c’est admettre la rupture même provisoire d’une relation puisque c’est le langage, la conversation qui constitue l’assise des relations sociales » (André-Larochebouvy, 1984 : 106). Dans les interactions de travail, les choses sont un peu différentes puisque ces interactions ont lieu dans un but externe à celles-ci, la formulation (et la réalisation) d’une requête. C’est ce but qui a permis de mettre en relation les deux interactants, et une fois celui-ci réalisé, il n’y a aucune raison pour qu’ils poursuivent l’interaction. Toutefois, la plupart des interactions de travail ne sont pas des interactions « uniques ». Les clients sont, en règle générale, en contact avec la secrétaire plusieurs fois, même dans le cas de la formulation et la réalisation d’une seule requête (par exemple, dans l’entreprise Artisans : demande de renseignements, puis demande de devis, passage de la commande, prise de rendez-vous pour la pose, et éventuellement ensuite, « service après-vente »). La relation professionnelle tissée au fil des appels doit donc être préservée par chacun des participants, ce qui leur demande un minimum de face work. En effet, « une clôture trop rondement menée laisse supposer que l’on a hâte de partir, que l’on s’ennuie : elle est donc menaçante » (Traverso, 1996 : 81).La clôture, c’est-à-dire la suspension du système des tours de parole, ne se fait donc pas (sauf cas exceptionnel) de façon brutale. Schegloff et Sacks (1973), pour expliquer comment, à un certain moment, l’alternance des tours de parole s’interrompt, permettant la clôture, ont mis en évidence l’utilisation de « pré-clôtures » (pre-closings) « qui permettent aux interlocuteurs d’indiquer qu’ils s’orientent vers la clôture » (Traverso, 1999 : 32). Ces pré-clôtures sont constituées, selon les situations, de vœux (« bon week-end »), de remerciements, de projets (« à bientôt ») et sont suivies d’actes de clôture, les salutations finales. C’est ce que nous allons voir maintenant.

Notes
92.

Voir Traverso, 1996 : 75-88.