2.2.Aspects pragmatiques (actes de langage et politesse)

L’une des différences relevées par de nombreux auteurs 141 concerne les actes de langage, notamment la question. Les femmes formulent plus de questions (quand elles sont des demandes d’information, elles sont alors des aveux d’ignorance) que les hommes, les hommes ayant une certaine répugnance à avouer leur ignorance (demander leur route par exemple) 142 . Les principales différences ont été relevées dans l’utilisation de la politesse, et sont en rapport avec le caractère « menaçant » ou « valorisant » des actes de langage, pour la face d’autrui. Le sexe de l’interlocuteur entre donc en relation avec le fonctionnement des actes de langage, dont certains ont été sujets à d’études particulières, tels que le remerciement, le compliment, l’excuse, ou encore les tag questions.

D’après Janet Holmes, les femmes sont plus polies que les hommes. En effet, les femmes remercient plus que les hommes. Elles font et reçoivent plus de compliments que les hommes, et les nombreuses études 143 ont montré que c’était dans les interactions Femme – Femme que les compliments étaient les plus abondants (voir Holmes, 1988 : 449). De plus, le compliment porte sur des contenus différents (chez les femmes, il porte sur l’apparence physique, chez les hommes, sur les possessions). Enfin, la formulation du compliment varie selon le sexe de celle ou celui qui le formule, tout comme la réaction au compliment admet des variations selon le sexe : les hommes ont tendance à éviter le compliment, les femmes à le rabaisser.

En ce qui concerne l’excuse, là aussi les études ont montré que les femmes formulaient beaucoup plus d’excuses que les hommes : «  The language of apology belongs predominantly to the female. Women are always being sorry or asking pardon for something  » (Adler, 1978 : 32). L’excuse pourrait être interprétée comme une attitude de soumission et un sentiment de culpabilité, alors qu’elle relève de la politesse négative puisque c’est un réparateur rituel.

Les tag questions ont été l’objet de nombreuses études, dont les résultats ont été eux-mêmes l’objet de controverses. Lakoff avait affirmé que les femmes utilisaient plus de tag questions que les hommes, résultat contesté par la suite par Dubois et Crouch (1975), qui, grâce à l’analyse de leur propre corpus, affirmaient que les tag questions étaient au contraire principalement produites par les hommes ; mais ce résultat fut aussi contesté par Cameron (1992), qui mit en évidence le fait que les tag questions pouvaient aussi servir à exprimer le pouvoir (et non l’insécurité), lorsqu’elles sont utilisées dans les tribunaux afin de contrôler la parole d’autrui. La tag question donne donc moins d’indications relatives au sexe que relatives au statut social. Nous verrons dans le chapitre consacré aux différences se situant dans le corps de l’interaction (4.Au cours de l’interaction) que les tag questions peuvent avoir différentes valeurs, cela dépendant non seulement du sexe du locuteur mais surtout du rôle du locuteur.

Notes
141.

Voir notamment Fishman (1983) qui, dans son étude de dialogues conjugaux, a relevé que la question, quand elle est une véritable demande d’information, est plus fréquente chez les femmes (la proportion allant du simple au triple), ou encore Tannen (1993 : 57-60, 1996 : 26-27).

142.

Voir Tannen, 1993, 1996.

143.

Voir notamment Holmes, 1988, Wolfson, 1983, 1984.