1.1.La demande d’un dire ou la question

La question peut se définir de la façon suivante :

‘Tout énoncé qui se présente comme ayant pour finalité principale d’obtenir de son destinataire un apport d’information (Kerbrat-Orecchioni, 2001 : 86).’

Elle sollicite donc l’information, contrairement à l’assertion qui prétend fournir une information à autrui. Il existe deux types de question : la question « totale » est une question dont l’information demandée concerne la valeur de vérité du contenu global de l’énoncé (« Pierre est arrivé ? », « Vous coupez les verres ? »), et la question partielle, dont l’information demandée concerne une partie de l’énoncé (« Pierre arrive quand ? »). La question totale peut être orientée vers une réponse du type « oui » ou « non », grâce à la présence de marqueurs d’orientation de diverses natures : Utilisation de la structure interro-négative avec inversion du pronom sujet (« Ne pensez-vous pas que… ? »), qui oriente l’autre vers une réponse positive, utilisation d’orientateurs comme bien ou vraiment : « Vous coupez bien les verres hein » (I 1, corpus Artisans 97). Les questions orientées sont donc des énoncés formulés sous forme de question, mais dont le contenu est plus ou moins asserté. Dans les exemples suivants extraits du corpus Fournisseurs, les clients habitués ont tendance à formuler les pré- à leur demande d’un dire sous forme de question orientée (et cette orientation ne repose ici sur aucun marqueur), à laquelle la secrétaire ne peut répondre que de façon positive.

Interaction 27 6C tu tu tu tu vas p’t-être m’aider me renseigner

7M je vais essa[yer

8C [oh tu vas essayer

Interaction 38 10C (…) vous allez p’t-être me renseigner vous qui êtes euh ariégeoise là

11M ah ça m’intéresse [non mais y a pas de problème

Dans cette partie, nous limiterons notre analyse aux questions dont la spécificité est d’être le but de l’appel, nous ne nous intéresserons pas aux autres types de questions, comme les questions rituelles, les questions préliminaires, les demandes de reformulation, etc. Ainsi, dans nos corpus, le client peut téléphoner à l’entreprise pour solliciter une information, un renseignement que la secrétaire (ou un autre salarié, comme un technicien) peut lui donner. La majorité des demandes de dire sont donc des demandes de renseignements (prix, délai de livraison, demande d’information sur un produit, etc.). La secrétaire est la plupart du temps l’interlocutrice ratifiée comme détentrice du savoir. La demande d’un dire, comme la demande d’un faire d’ailleurs, est un acte ambivalent. En effet, même s’il s’agit d’un énoncé plutôt valorisant pour la secrétaire (donc par métonymie, pour l’entreprise), l’appel téléphonique est dérangeant, compte tenu du fait que la secrétaire a de multiples tâches, comme la saisie de commandes sur ordinateur, le traitement de dossiers, etc., tâches qu’elle met de côté lorsqu’elle renseigne un client. Elle est à la fois :

  • Un acte menaçant pour la face négative de l’interlocuteur, d’une part parce que la question est une sorte de « sommation », invitant fortement la secrétaire à répondre ; d’autre part parce que la question est une incursion territoriale (il faut évidemment nuancer cette menace dans le cadre des interactions de travail puisque les questions, dans ce contexte là, ne sont pas assez indiscrètes pour être menaçantes).
  • Un acte valorisant pour la face positive (l’amour propre) du questionné étant donné que le client, en posant sa question, montre qu’il a un manque, que son interlocuteur a donc un savoir supérieur au sien, mais montre aussi qu’il fait confiance en la secrétaire et en ses savoirs.

La question est repérable grâce à la présence de différents marqueurs de question, pouvant être de différentes natures.