1.2.La demande d’un faire ou requête
Nous reprendrons ici la définition de Kerbrat-Orecchioni (2001 : 98) :
‘Nous parlerons de
requête chaque fois qu’un interlocuteur produit un énoncé pour demander à son interlocuteur d’accomplir un acte quelconque (à caractère non langagier).’
Il s’agit donc d’une demande d’agir, dont la réponse sera non verbale. L’ordre quant à lui est un cas particulier de requête, défini par le Petit Robert comme un « acte par lequel un chef, une autorité manifeste sa volonté ; ensemble de dispositions impératives ». Cette définition est bien sûr à nuancer, puisqu’il n’est pas nécessaire d’être chef pour pouvoir donner des ordres, et inversement, les chefs peuvent préférer adoucir la formulation de leur requête. Nous pouvons souligner ici le fait que les requêtes de nos corpus ne prennent jamais la forme d’un ordre, même dans le cas des appels internes. Par contre, nous verrons que les requêtes dans ce contexte sont formulées de façon plus directe que celles formulées par un client.
Les requêtes sont, dans les entreprises du bâtiment de nos corpus, de deux types :
- Des demandes d’agir proprement dites : l’appelant demande une livraison, commande des produits, modifie une commande, demande une visite de l’entreprise à son domicile, etc. La réponse de la secrétaire à la requête est non verbale, donc non vérifiable par le client. En effet, si la secrétaire note un rendez-vous sur le carnet de rendez-vous de son supérieur, si elle enregistre une commande ou la modification d’une commande, elle agit de façon non verbale, ce qui l’oblige à verbaliser ses actes, et à récapituler en fin d’interaction ce qui a été ou ce qui va être réalisé par la secrétaire pour le client (« je lui passe le message »). Ainsi, dans le corpus Fournisseurs par exemple, quand la réalisation de la requête est traitée sur informatique (ce qui est souvent le cas), la réponse à la requête se traduit par un silence. L’accomplissement de la requête sera donc signalé par la secrétaire par des marqueurs du type : « c’est fait », « voilà », « OK ».
- Des demandes pour parler au supérieur (ou éventuellement à un autre salarié de l’entreprise). Ce type de demande est majoritaire dans la plupart de nos corpus. Les clients ayant d’abord à « passer le barrage » de la secrétaire, ils formuleront certains adoucisseurs afin de minimiser les menaces éventuelles pouvant peser sur la secrétaire. Concernant la réponse à la requête, elle est aussi en soi non verbale. Toutefois, nous pouvons distinguer ici deux types de formulation de cette requête. Sous la forme « Pouvez-vous me passer le patron ? », cette requête est exprimée de façon indirecte, la réponse attendue est soit positive, soit négative : dans le cas d’une réponse positive, la secrétaire passe l’appel (acte non verbal), et verbalise son geste par une formule du type « Je vous le passe », dans le cas d’une réponse négative : « Il n’est pas là ». Dans ce cas, la secrétaire répond en fait à la question implicite, la demande d’un dire (« Le patron est-il là ? »). Ceci s’explique par le fait que la condition de réussite de cette requête est que le patron soit là. Inversement, cette demande de parler au supérieur peut être formulée par le client d’une autre façon, sous la forme d’une demande d’un dire (« Le patron est là ?). Cette demande de renseignement exprimée explicitement cache une demande implicite, celle d’un faire. En cas de réponse positive de la part de la secrétaire, elle n’attendra pas la requête du client mais y répondra directement (« Oui, je vous le passe »). Il s’agit donc dans ce cas, d’une véritable requête indirecte.
Nous en venons à l’analyse de la requête dans les entreprises de nos corpus, précisément les entreprises Artisans, Fournisseurs et Transporteurs.