2.1.2.Les actes de langage

Les actes de langage accomplis au cours de l’interaction peuvent revêtir un caractère menaçant pour la face « négative », c’est-à-dire le territoire, ou pour la face « positive » (le narcissisme) de l’un des locuteurs (celui qui les accomplit : L1, ou celui auquel ils sont destinés : L2).

L1 est mis ou se met en position basse quand il subit un FTA, ou quand il s’inflige un acte menaçant pour l’une ou l’autre de ses propres faces :

L1 se met en position haute par rapport à L2, quand il accomplit un acte potentiellement menaçant pour l’une ou l’autre des faces de L2 :

Pour sa face négative : Il s’agit notamment de l’ordre, la requête, l’interdiction, etc. Ce sont des « directifs », qui constituent pour L2 des sortes d’incursions territoriales. Ainsi, la requête que formule un client est un acte potentiellement menaçant pour la secrétaire, et ce, même dans le cadre d’interaction de travail 191 . Ceci explique l’utilisation, par le client, de différents procédés pour minimiser cet acte menaçant.

En effet, le client va utiliser, pour ce faire, les principes de la politesse négative et positive, qui seront favorables à son interlocuteur. La politesse négative lui permet d’éviter ou d’atténuer les menaces envers les faces de la secrétaire, c’est-à-dire de les protéger, en évitant notamment de lui donner des ordres brutaux, de lui faire perdre inutilement son temps, etc. La politesse positive envers autrui consiste en l’utilisation de procédés de valorisation des faces de l’interlocuteur, en la production d’anti-menaces envers ses faces. Ce sont ces deux types de principes, tous deux orientés vers l’autre, que le client va utiliser pour minimiser la menace de sa requête (quand il l’estime nécessaire).

Pour sa face positive : Ce sont les critiques, les moqueries, les reproches, les désaccords en tout genre, c’est-à-dire les actes qui peuvent blesser l’amour propre de L2.

La requête est toutefois un acte de langage qui reste difficile à définir selon ces catégories. En effet, tout dépend de la situation, c’est-à-dire que ‘«’ ‘ le statut d’un acte de langage donné varie en fonction de la situation et selon sa formulation, qui peut être plus ou moins brutale ’ ‘»’ (Thomsen, 2000 : 155). Ainsi, la requête est, d’après Kerbrat-Orecchioni (1992 : 96), « taxémiquement hybride », dans le sens où elle est à la fois une menace pour la face négative de L2 (dérangé par L1), ce qui place L1 en position haute, et à la fois, une menace pour la face positive de L1 (qui s’abaisse à quémander), ce qui le place en position basse. Il faut nuancer toutefois cette remarque : toute requête ne comporte jamais systématiquement cette double menace, et si c’est le cas, les deux sont, la plupart du temps, non équivalentes (l’une est plus forte que l’autre). Nous allons donc voir que, même dans des interactions de travail, les requêtes sont potentiellement des actes menaçants (plus que les questions), alors qu’on aurait tendance à penser que ‘«’ ‘ le caractère menaçant est annulé par le fait que dans un tel contexte, cet acte de langage est non seulement légal et légitime, mais attendu et souhaité par le vendeur ’ ‘»’ (Kerbrat-Orecchioni, 2001 : 107).

Nous allons donc voir la formulation de la demande par l’appelant et les différents procédés utilisés par celui-ci pour minimiser les éventuelles menaces que sa demande ferait peser sur son interlocuteur.

Notes
191.

Il en est de même dans les interactions dans les commerces, dans lesquels il est rare que la requête soit formulée ex abrupto (voir Kerbrat-Orecchioni, 2001 : 107-108).