2.2.L’argumentation dans les négociations commerciales

Dans les interactions de travail, des négociations sur des objets externes à l’interaction peuvent se dérouler entre les interactants.

‘On parle de négociation dès lors qu’au cours d’un échange quelconque, les participants s’engagent dans une activité discursive visant à se mettre d’accord sur une décision concernant un objet de nature variable, mais en tout état de cause extérieur au déroulement de l’interaction elle-même (Kerbrat-Orecchioni, 2000 : 71).’

Ces négociations dont nous allons parler ici se situent dans des phases ou séquences de l’interaction, et non sur la totalité de l’interaction.

Le consensus, même s’il est déjà établi, peut être, en effet, mis à mal et sujet à certains désaccords. Chaque participant peut alors tenter de négocier, en essayant d’exercer une pression sur le partenaire pour le faire changer de position et arriver à un accord. Il peut recourir à différentes stratégies 221  : la coercition (qui peut prendre l’aspect de la menace, de bluff, etc.), la dissimulation (manipulation et rétention d’informations), la persuasion (par la séduction notamment), l’accommodation (recherche des points d’accord, jouer sur les relations interpersonnelles, etc.). Nous pouvons nous aider, pour cette analyse de l’argumentation, notamment des études des argumentations dites « quotidiennes », c’est-à-dire menées hors cadre institutionnel, comme les travaux de Moeschler, portant sur l’argumentation dans la conversation ; mais aussi de la rhétorique, comme « faculté de considérer, pour chaque question, ce qui peut être propre à persuader » (Aristote, 1991 : 85), c’est-à-dire, « le caractère moral (de l’orateur) qui amène la persuasion », « la disposition des auditeurs », « le discours lui-même », ou encore de l’analyse des négociations par Strauss. Nous prendrons, pour l’analyse des interactions spécifiques que nous faisons ici, la définition élaborée par Christa Thomsen 222  :

‘Argumenter c’est plus spécifiquement adresser à un interlocuteur un argument, c’est-à-dire une raison pour faire accepter la requête (argumentation) ou pour refuser la requête (contre-argumentation, objection), et cela dans un contexte de débat orienté par une question (2000 : 66).’

Cette définition de l’argumentation a été élaborée dans le cadre d’une analyse de la séquence de la requête, dont le but final est d’obtenir une réaction, et plus précisément, une réaction positive, une acceptation. Les interactants vont donc élaborer des stratégies, définies par Bange (1992 : 212) comme ‘«’ ‘ un ensemble d’actions partielles mises en ordre pour atteindre un but ’ ‘»’, l’acceptation, dans ce contexte, de la requête.

Nous verrons donc dans une première partie comment nous pourrons décrire nos négociations par le biais de l’approche de Strauss, puis en quoi l’argumentation conversationnelle (approche de Jackson et Jacobs) peut nous être utile pour l’analyse de certaines des négociations de nos corpus. Nous verrons enfin en quoi l’argumentation dans l’analyse du discours (approche de Moeschler) peut nous être utile dans la description de l’argumentation dans les négociations de nos interactions.

Notes
221.

Touzard (1977) en distingue quatre, reprises par Marc & Picard, 1989 : 206-207.

222.

Elle a travaillé sur les conversations d’affaires au téléphone Voir l’élaboration de sa définition de l’argumentation p. 64-67 (2000).