2.2.1La négociation selon l’approche de Strauss

La notion d’action, notamment l’action de négociation dans toute forme de travail social, a servi de fil conducteur à ce sociologue interactionniste américain (école de Chicago). Il a analysé ce concept en relation avec son environnement structurel (les contextes : le contexte proche, immédiat et le contexte lointain, structurel). Le point de départ de la théorie de Strauss concernant l’espace social et les rapports sociaux, de son approche en termes d’ordre négocié (negociated order), est que

‘les organisations ne sont pas des formations structurées par des règles normatives univoques, les actions qui s’y déroulent ne sont pas déterminées par la simple application de prescriptions ou de règles de conduites libres de toute intervention de la personne de l’acteur (Baszanger, in Strauss, 1992 : 45). ’

En effet, les règles se construisent et se maintiennent par le dialogue, et les organisations se reproduisent dans et par l’action, ‘«’ ‘ leurs buts et stratégies sont matière à débats, les accords prennent des formes très diverses ’ ‘»’. L’ordre social est donc un ordre négocié. Pour Strauss,

‘il existe toujours une frange de négociation à l’intérieur de tout ordre social (…) puisque la négociation est inéluctablement attachée aux entreprises communes à plusieurs personnes, groupes ou organisations (Reynaud, 1980, in Strauss, 1992 : 46). ’

De plus, les négociations respectent certains schémas, elles sont subordonnées à des conditions structurelles (qui négocie, avec qui, quand, à propos de quoi, etc.).

‘La négociation, on l’a dit, est un des moyens « pour obtenir que les choses se fassent ». Elle est utilisée pour que se fasse ce qu’un acteur (personne, groupe, organisation, nation, etc.) souhaite voir accompli (Strauss, 1992 : 252).’

Dans « le paradigme de la négociation » (p. 258-262), Strauss définit le contexte de la négociation en deux parties : le contexte immédiat de la négociation (au moment de la négociation), et le contexte structurel.

Le contexte structurel de la négociation est constitué d’éléments fixes, qui préexistent à la négociation. Il s’agit du cadre (au sens large) à l’intérieur duquel les négociations se déroulent. Il contient des éléments pouvant donner un grand nombre d’explications de la négociation :

  • secteur, d’activité, les lieux (les locaux de l’entreprise),
  • accords existants,
  • fonctionnement et règles institutionnelles,
  • partenaires institués,
  • groupes professionnels, etc.

Le contexte local de la négociation est constitué des éléments pertinents au moment de la négociation :

  • les participants, que Strauss nomment les « négociateurs » : nombre, expérience, statut, qui ils représentent, leurs buts affichés et explicites, etc.,
  • le cadre de la négociation (le lieu, les dispositifs, la temporalité : rythme de la négociation, durée limitée ou non),
  • la situation de négociation : visibilité ou non de la transaction (caractère public, privé, semi-public), les modes d’action (autorité, force, évitement, etc.).

Pour Strauss, les caractéristiques du contexte d’une négociation ne peuvent être décrites, analysées, sans prendre en compte le contexte structurel associé. Les deux contextes sont en étroite relation. Nous allons ainsi examiner la manière dont le contexte structurel et le contexte local sont mobilisés dans l’interaction elle-même afin de protéger les faces des interactants et de préserver la relation. Nous verrons ensuite que les rôles des secrétaires, rôles définis par chaque entreprise et redéfinis par la secrétaire et par le client, modifient très largement le cours des interactions, et précisément des négociations.