2.2.1.2.Le contexte structurel : les lieux

Parmi les éléments (externes à l’interaction) pouvant intervenir sur le cours de l’interaction (donc sur une négociation éventuelle), nous allons voir que la taille de l’entreprise, ainsi que les espaces de travail en eux-mêmes, interviennent sur le comportement que la secrétaire aura dans une négociation. Nous trouvons ici une justification à notre description dans notre première partie des espaces de travail.

Plus l’entreprise est grande, plus les gens sont éloignés dans l’espace. Inversement, plus l’entreprise est petite, plus les gens travaillent ensemble dans les mêmes espaces. En schématisant les plans des locaux de ces entreprises afin notamment de représenter l’espace de travail de chaque secrétaire ²²⁵ , il est ressorti que dans certaines entreprises, comme les Transporteurs et Artisans, la secrétaire voit son patron, même s’ils ont deux bureaux séparés ²²⁶ . Dans d’autres entreprises, comme l’entreprise Assureurs ou Fournisseurs, les secrétaires ne peuvent pas voir leur supérieur, celui-ci étant dans un bureau totalement fermé. Ainsi, , le patron a ou non la possibilité, selon le type d’entreprises, d’intervenir durant l’interaction pour donner son avis (notamment « je ne suis pas là »…). Chez les Transporteurs, il n’est pas rare que le patron écoute la conversation mais n’intervienne pas directement. La secrétaire devient son messager, son porte-parole, et surtout, elle peut prendre certaines responsabilités sous l’œil approbateur de son supérieur. Dans les autres entreprises, les secrétaires sont plus ou moins livrées à elles-mêmes. Soit elles résolvent elles-mêmes le problème, soit elles ont recours explicitement à leur supérieur. Leur marge de manœuvre s’en trouve alors assez réduite face à l’imprévu : elles ne peuvent pas se permettre de s’attribuer des fonctions qu’elles n’ont pas. Par exemple, chez les Fournisseurs, le client ne négocie jamais avec son interlocutrice. Elle n’a pas ce pouvoir, et ne pourrait même pas le prendre exceptionnellement, si son chef le lui accordait d’un regard.

Dans l’interaction 38 de ce corpus, la secrétaire est en communication avec un client très pressé ²²⁷ , qui a besoin de matériaux dans de très brefs délais. La secrétaire ne peut rien faire d’elle même, mais le patron qui se trouve à côté, décide d’intervenir et de faire jouer son statut pour arranger le client :

12C M le M 6633 meilleur délai que j’peux avoir je j’ai 15 barres d’urgence

(…)

16C 6633 il murmure : putain c’est dingue ça … j’vais pas passer… lundi encore ça serait pas grave

17M ouais c’st bon y a du stock

18C vous avez du stock et si je vous le commande maintenant je l’aurai quand . meilleur délai

19M meilleur délai euh: [pa’ce qu’on est jeudi

JP [j’sais pas si on peut l’rajouter au stock de lundi mais faut l’rapppeler on peut essayer d’le rajouter au stock de lundi mais faut l’rappeler monsieur L.

M . non mais ça s’fait ↑

JP essayez si en BLI [essayez

M bon j’vais voir avec Patrick mais là

20M m’sieur M. i’m’dit p’t-être on va essayer de faire quelque chose pour lundi sinon [ça s’rait jeudi

21C [ouais bon non mais jeudi ça ça ça

22M ça va plus

Dans le petit échange enchâssé dans l’interaction, entre la secrétaire et son supérieur, nous remarquons que c’est bien le directeur d’agence qui décide d’arranger le délai pour ce client. La secrétaire semble pessimiste pour les délais, d’autant plus qu’elle n’aurait rien pu faire seule. Ceci n’est possible ici que parce que le directeur d’agence était devant le bureau des secrétaires, bureau ouvert sur le hall d’accueil, et qu’il écoutait la conversation (sur haut-parleur) tout en discutant avec un technicien.