Question de l’interprétation : Interventions au sein de l'atelier et problèmes du transfert-contre-transfert

Comment et quand interpréter en groupe ? Cette question a maintes fois été débattue dans le cercle des analystes de groupe. Pour ma part, je me suis aperçu que la règle initiale que je voulais poser comme méthode d'interprétation dans le groupe a subi, au cours du déploiement des séances, des changements de perspectives. Celles-ci étaient fonction d'un ensemble de variables dépendantes de mes lectures, des discussions que j’avais avec ma co-thérapeute, des doutes concernant notre méthode ou au contraire de nos convictions du moment plus ou moins étayées sur notre matériel clinique. j’étais en train de découvrir ce type de population déficitaire, les processus autistiques et psychotiques qui s’y rattachent ainsi que leur déploiement en groupe. Il me fallait donc transformer mes réflexions et interprétations en fonction de cette réalité du groupe déficitaire , réalité que j’essaye de circoncire ici.

En cela, l'analyse de la dimension transféro-contre-transférentielle telle que l'ont élaborée les psychanalystes de groupe au cours de ces vingt dernières années témoigne d’une recherche se basant essentiellement sur une interaction quasi syncrétique entre celle-ci et le cadre qu’elle propose. R. Kaës (1990) écrit que la position contre-transférentielle et l'interprétation sont indissociables. Toute parole s'inscrit chez un locuteur. Le psychanalyste, nous dit l'auteur, est "partie prenante et partie constituante" de l'offre (l'interprétation) qu'il délivre au groupe. Aussi l'illusion scientifique, avec son corollaire d'objectivité, est sujette à caution en matière de relation humaine. Quelques soient les résultats obtenus, l'interprétation demeure le fruit de nos théorisations plus ou moins explicites et de nos vécus affectifs et fantasmatiques. A ce sujet, M. Pines (1990) avance qu'une "bonne interprétation" se réalise dans une rencontre partagée, ce qui exclut d'ores et déjà les concepts de vérité scientifique et de retrait d'un éventuel expérimentateur. Toutefois, même si les interprétations nous dépassent toujours par le biais de l'intrication moi / autre, transfert- contre-transfert, celles-ci revêtent toutefois une partie consciente. M. Pines parle à ce propos d'une acceptation, d'une compréhension, d'une connaissance du patient, d'un don en retour de ce que le patient a apporté au thérapeute.

Suivant cette conception, nous avons travaillé sur notre contre-transfert en tentant progressivement de nous départir (ce qui fut difficile) des attentes, à la fois trop pressantes et trop utopiques, que nous avions à l’égard de ces sujets. Nous avons essayé de mieux suivre et comprendre les éléments qu'ils nous apportaient. Nous avons enfin, mais là est probablement un des aspects les plus délicats, essayé d'éviter de coller aux théories déjà existantes pour mieux partir de nos propres observations et pouvoir de fait construire un ensemble relativement stable.

Partant de là, nous avons fait un choix afin d’établir un cadre d'interprétation spécifique. Constatant que face au déficit de ces sujets, s'adresser au groupe fait courir le risque de ne pas englober tout le monde (les questions posées à la cantonade ne fonctionnent pas), notre approche vise tour à tour le groupe et le sujet du groupe. Ce dernier est interpellé lorsqu’il nous semble être en retrait ou bien, le cas échéant, lorsque son intervention s’avère trop prégnante.

Nous nous sommes ainsi dégagés des préconisations d'analystes groupaux mettant en avant des interprétations uniquement groupales, rejoignant les préceptes apportés par R. Kaës : "Les théories qui limitent le rôle du thérapeute à traiter des processus de groupe dans sa globalité où à ne travailler que dans le transfert au thérapeute, fixent des limites artificielles à une liberté nécessaire, et il a été démontré que ces techniques ne sont pas efficaces au plan thérapeutique ." (R. Kaës, 1990. P 31).

Notre analyse va donc porter sur ce qu’un sujet dégage au niveau intrapsychique mais également sur ce que son mode de relation privilégié à son objet de médiation, à sa zone complémentaire, vient jouer dans le groupe.