4-2-2-5- Laurent (ou le complexe de la tortue)

Laurent, né en 1971, se présente comme un jeune homme assez fort au point de vu physique. Lorsqu’il marche, tête penchée en avant et yeux à moitié fermés, il semble dormir debout. Sa démarche est lancinante.

Antécédents pathologiques

La naissance de Laurent a été désignée par sa mère, lors d’un entretien, comme normale. Entre l’âge de 4 et 5 mois, il a commencé à être victime de fortes fièvres qui l’emmenaient à prendre des convulsions et entraînaient des formes de strabisme convergent. Madame A nous explique qu’elle ne comprenait pas son enfant, lui donnait des « fessées ». Dans le même temps, comme pour se déculpabiliser, elle dit qu’il cassait du matériel à une époque (indéterminée). Il faut souligner que, bien qu’ayant d’autres enfants, leur « normalité » ne l’avait pas préparée à se confronter à ce type de pathologie.

Les séjours de Laurent en hôpital psychiatrique ont commencé dés l’âge de quatre ans. Il y a été étiqueté autiste à caractère déficitaire mais je complèterai ce diagnostic par le concept, proposé par F. Tustin, d’autisme à carapace. Son comportement, que je décrirai plus loin ainsi que son mode d’appréhension du travail graphique, va en effet dans le sens d’une mise en place de processus défensifs importants. Sa pathologie n’est pas d’ordre comitiale. Il a depuis séjourné dans diverses institutions de soins. A l’heure actuelle, il est encore dépendant d’un traitement psychiatrique relativement lourd.

Les troubles de comportement de Laurent vont de l’automutilation aux auto-reproches violents. tout cela reste peu compréhensible par l’équipe. Cette automutilation, ces gifles qu’il s’envoie à pleines volées sont souvent précédées par la phrase « apeu je meu » que nous comprenons comme « j’ai peur , je meurs ». Sans confirmation, nous savons néanmoins ce que cette phrase entraîne et intervenons immédiatement pour tenter de le rassurer par des mots visant à le déculpabiliser. Car, si les raisons pour lesquelles il se met dans cet état sont diverses, elles ont pour dénominateur commun des situations dans lesquelles Laurent est susceptible de traduire des propos ou des gestes comme lui étant destinés et le mettant en cause. Je pense qu’il y a quelque chose chez lui du surmoi archaïque, préœdipien, destructeur. Ce serait ce noyau interne qui, faute de discrimination, l’attaquerait violemment lorsqu’il se sent critiqué, attaqué de l’extérieur. Peut-être l’origine de ce surmoi est-elle liée aux tous premiers reproches, fessées que la mère lui administrait par incompréhension du handicap de son fils ?

Laurent alterne ces périodes de montées d’angoisse par des périodes élationnelles, il sourit, paraît très heureux alors que rien dans son environnement ne nous paraît pouvoir entraîner cet état.

Pouvant passer d’un extrême à l’autre, son mode d’appréhension de l’environnement autant que ses pensées semblent en tous cas fulgurantes.

Sur le plan corporel, il est parfois encoprétique et énurétique.

Sur le plan cognitif, il manifeste une certaine intelligence qui lui permet, après observation de refaire un exercice. Son langage est essentiellement écholalique mais il peut aussi apporter des messages, fournir des informations (avec des paroles concises) ou s’opposer avec fermeté.