5-1-1- Préliminaires : principales raisons pour l’utilisation de ces modèles extérieurs

Autant l’utilisation de métaphores permet souvent, en superposition à un champ conceptuel particulier, de cerner une réalité complexe d’un seul coup d’œil, autant l’utilisation d’un modèle extérieur à son champ théorique me semble à la fois pouvoir enrichir et parfois rendre plus clair certaines de ces notions. Lorsque ceci est nécessaire, il paraît utile, voire central, de travailler avec ces outils extérieurs de la façon la plus pointue pour éclaircir leur aspect heuristique, ce qui peut justifier amplement de la raison de leur utilisation.

Je perçois la validité conceptuelle de l’emploi des outils suivants : objet fractal ; force de gravité et attracteur étrange, concepts empruntées à la physique, en cela que, durant les cinq années et demi passées en compagnie d’une population de psychotiques déficitaires et autistes dans le cadre d’un atelier peinture, ces concepts extérieurs m‘ont paru porteur de signification dans ce que j’observais. Ils ont certes par moments été rejetés par crainte de mélanger des champs trop différents, mais ils revenaient avec insistance. Au final, ils sont constamment demeurés en toile de fond pour guider ma pensée, celle-ci si souvent malmenée par ce qui a trop souvent pu m’apparaître comme une pauvreté des processus de symbolisations de la population à laquelle j’avais affaire. A chaque fois que, pris d’une dépression passagère ou d’une envie tenace de tout arrêter, à chaque fois que mon optimisme se trouvait débordé par mon impatience, l’usage de ce que je ne concevais que comme métaphores me servait de guide. Ce guide était néanmoins à cette époque certes encore très flou, encore plaqué sur toute une série d’autres théories qui éclairaient sporadiquement, à certaines périodes, mon appareil (à continuer) à penser les pensées.

Pris alors d’une difficulté surmoïque pour tuer mon père interne et pouvoir vraiment m’installer et percer dans ma recherche 10 , j’avais à chaque fois tendance à exclure ce canevas encore très global et mal différencié, et revenais sur des points plus réducteurs de ma problématique qui m’empêchaient toute vision d’ensemble. Craignant de faire un grand écart trop important dans la forme et d’avoir une vision trop éloignée des centres d’intérêts cliniques et métapsychologiques dans le fond, je laissais provisoirement tout cela de côté. J’alternais alors entre une vision holistique et réductionniste, ne parvenant pas à concevoir toutes les parties afin d’enfin pouvoir en assembler le tout.

A cette époque chaque période de dissipation des doutes me démontrait néanmoins la validité et le caractère opérationnel de ce canevas. Ce fut alors lui qui me guida (de façon alors très empirique faute d’avoir pu encore ramener ces concepts extérieurs dans mon champ d’investigation) lors de l’écriture de mon DEA. D’autres « découvertes » ultérieures, durant cette phase difficile d’élaboration de cette thèse, furent en partie validées soit par des écrits issus d’auteurs publiés (notamment par J. Doron, 2002, lorsqu’il souligne l’existence de signifiants formels dans les traces graphiques), soit par des résonances émises par mon directeur de recherche ou des étudiants de son séminaire.

S’il ne me semblait alors, fort de ces quelques appuis, ne pas pouvoir faire entièrement fausse route, il restait néanmoins que je ne parvenais pas à unifier mes pensées. Plutôt que fécondes, j’avais l’impression qu’elles ne parvenaient à terminer aucune démonstration, tout restait encore intuition.

Il ne me semble plus en être là à présent pour la bonne et simple raison que l’effort actuel va dans le sens d’une construction plus unifiée.

Notes
10.

Problématique mise en lumière par D. Anzieu, 1981, en ce qui concerne la phase obligée du dépassement du conflit moi/ surmoi / idéal du moi.